« La révolution ou la fin de la guerre », exigeait l’un des mutins de mai 1917 sur le billet figurant en couverture de ce livre. De nombreux spécialistes ont salué les apports de la thèse soutenue en 2009 par André Loez, qui enseigne à la fois en lycée et à Sciences-Po. Il en a tiré un ouvrage prenant, et qu’il faut lire aussi pour la multiplicité de ses enjeux. Sur les mutineries dans l’armée française qui culminèrent au printemps 1917, pouvait-on encore s’en tenir à la version officielle livrée en 1967 par Pedroncini, si favorable à Pétain ? Les travaux ultérieurs avaient-ils mesuré l’ampleur de ce mouvement surgi fort tard, et montré pourquoi et comment il avait trouvé à se développer dans un contexte si hostile ? À ces questions et à beaucoup d’autres, André Loez répond avec des données inédites et une finesse d’analyse dont n’avait jamais bénéficié ce sujet. Peu de ces mutins étaient des révolutionnaires ou des pacifistes militants, mais s’ils imaginèrent une sorte de « grève des tranchées », les manifestations et les grèves entourant le 1er Mai 1917, comme les nouvelles parvenues de Russie ou la perspective de la conférence socialiste internationale de Stockholm pour mettre fin à la guerre n’y furent pas pour rien. Ce livre remarquable ne fait pas que rendre hommage à ceux qui osèrent « prendre la parole » ce printemps-là, il permet « d’entamer une réflexion sur le fonctionnement de l’institution militaire », ainsi que disait récemment devant le comité central de la Ligue des droits de l’homme André Bach, ancien officier général qui acheva d’ouvrir les archives de l’armée sur ces mutineries. C’est aussi (et peut-être surtout) une importante contribution à la compréhension des soulèvements anti-autoritaires, qu’ils débouchent ou non sur des révolutions. Gilles Bounoure
Folio histoire, 692 pages 12,10 EUROS