La violente répression qui s’est abattue sur les Chemises rouges et qui a pris un tour dramatique en avril et mai n’a pas mis fin à la crise thaïlandaise, même si elle a porté un coup d’arrêt aux mobilisations populaires dans la capitale – mais à quel prix : au moins 89 morts reconnus officiellement, quelque 2000 blessés, des centaines d’incarcérations, la généralisation de la censure... De par sa brutalité et son envergure, cette répression sonne comme une déclaration de guerre lancée par les élites traditionnelles à tous les secteurs d’opposition, y compris au sein de la bourgeoisie: pas d’élections libres, pas de compromis!
Aucune réponse n’est pour l’heure donnée par le gouvernement conduit par Abhisit Vejjajiva aux problèmes sociaux, politiques et institutionnels qui sont à l’origine de la crise que traverse le royaume, si ce n’est l’affirmation d’un rapport de forces brut. Le front du refus constitué – face à l’exigence d’élections démocratiques – par la famille royale, la hiérarchie militaire, la haute bureaucratie, les autres secteurs les plus conservateurs des classes dominantes et les couches supérieures des classes moyennes de Bangkok va cependant être confronté à des échéances difficiles avec la mort annoncée du roi Bhumibol.
L’avenir de la Thaïlande apparaît aujourd’hui fort incertain et il nous est bien difficile de prévoir comment la situation va évoluer. Mais les enjeux sont considérables. Le pays est secoué par plusieurs crises profondes qui s’entremêlent et concernent tout à la fois la place de la monarchie et de l’armée, les divisions au sein de la bourgeoisie, les rapports entre classes sociales « d’en haut » et « d’en bas », les institutions et le système politique, les « valeurs » dominantes ou encore l’insertion du pays dans l’économie mondiale…
La réforme impossible ?
La crise actuelle sanctionne l’échec des tentatives de réformes démocratiques amorcées en 1992. En 1991, l’armée avait brutalement réprimé des manifestations démocratiques mais, à la suite des protestations soulevées par ce bain de sang, elle avait été forcée de rentrer dans ses casernes et de s’engager à se « dépolitiser ». Allait-elle effectivement se retirer de la vie politique dans un pays qui n’avait pour l’essentiel vécu, depuis la Seconde Guerre mondiale, que sous des juntes militaires ou des régimes autoritaires à façade parlementaire ?
L’armée représentait une puissance économique très importante dans le pays et son retrait contraint après le massacre de 1992 a permis à des hommes d’affaires qui n’appartenaient pas aux élites traditionnelles d’entrer en politique. Devenu Premier ministre en 2001, Thaksin Shinawatra a incarné les ambitions nouvelles de ce secteur des classes possédantes. Il s’est heurté à l’alliance entre la monarchie, la haute bureaucratie et l’armée, véritables piliers du régime. Il a remis en cause l’équilibre des pouvoirs en s’affirmant à l’échelle nationale comme le « protecteur des pauvres », un rôle dévolu au roi. Thaksin n’était pas un démocrate : sous son autorité, la police de Bangkok a pu abattre librement des suspects au nom de la lutte antidrogue et, au nom cette fois du combat contre l’irrédentisme islamique, l’armée a mené une répression aveugle dans l’extrême sud. Cependant, en finançant des programmes sociaux et en desserrant le carcan des institutions, il a ouvert une brèche qui a permis aux aspirations populaires de s’exprimer.
Dans l’impossibilité de concurrencer Thaksin au plan électoral et de reprendre les commandes du pouvoir, les élites traditionnelles ont répondu à ce vent réformiste par l’organisation du coup d’État militaire du 19 septembre 2006, puis en 2008 deux coups d’État judiciaires pour écarter deux gouvernements « pro-Thaksin ». Ayant repris le contrôle du pouvoir, elles ont engagé une véritable contre-réforme. Elles ont prestement jeté aux oubliettes la Constitution de 1997, la plus démocratique que le pays ait connu (tout est relatif). Les militaires en ont rédigé une nouvelle que la junte a fait entériner par référendum, fin 2007. Sa rédaction a suscité de nombreux débats, les forces les plus réactionnaires organisées dans l’alliance pour la démocratie (PAD, les « Chemises jaunes ») demandant la mise en place d’un régime électoral censitaire, permettant de marginaliser sur le plan institutionnel les couches populaires. Depuis, l’armée a complètement réintégré l’arène politique – le Premier ministre Abhisit s’est même réfugié au sein d’une base militaire pour gouverner durant les deux mois et demi de crise !
L’enjeu de la crise actuelle dépasse – et de beaucoup – la seule question de la répression : il s’agit tout d’abord de redéfinir le régime politique. Une question d’autant plus cruciale que la monarchie et les sommets de l’armée font directement partie de la bourgeoisie thaïlandaise. La famille royale est selon le journal Forbes la famille princière la plus riche au monde avec des intérêts fonciers, industriels et commerciaux de première importance. L’armée en tant qu’institution est aussi une puissance économique de premier plan et elle assure la fortune de bien des généraux à la retraite.
Passéistes, incapables d’auto-réforme, les élites traditionnelles restent puissantes. Tokyo et les capitales occidentales se sont bien gardées de dénoncer la violation de la démocratie et des droits humains commises par Bangkok. Mais l’immobilisme social des élites inquiète néanmoins les milieux d’affaires internationaux. Ces derniers n’oublient pas que c’est sous Thaksin que les politiques néolibérales ont été mises en œuvre, facilitant l’insertion du pays dans la mondialisation. La Thaïlande est aussi le seul pays de la région qui voit ses inégalités sociales se renforcer. Ainsi, l’influent The Economist a publié des éditoriaux et des articles forts sévères sur la situation dans le royaume. Il a notamment été le premier journal à critiquer le rôle actuel de la monarchie.
En Thaïlande même, des fractures peuvent apparaître au sein de l’armée. L’écrasement des Chemises rouges en mai a redonné un poids important en son sein aux généraux proches du très influent premier conseiller du roi, Prem Tinsulanonda, et de la reine. Le commandant en chef des armées, Anupong Paochinda, devrait être remplacé en septembre (il part en retraite) par le général Prayuth Chan-Ocha, un partisan de la ligne dure, très anti-Thaksin et ultra royaliste. Face aux turbulences politiques à venir, il n’est cependant pas impossible que cette hégémonie soit contestée dans l’armée par des fractions de militaires « pastèques », verts à l’extérieur et rouges à l’intérieur, et qui ne voulaient pas que l’armée réprime le peuple. La contestation pourrait aussi venir de militaires de carrière écartés parce que n’appartenant pas au cercle en vue actuellement.
La situation est d’autant moins stabilisée que le roi, Bhumibol, très souffrant, devrait bientôt mourir, ce qui ouvrira une difficile crise de succession et, probablement, une intensification des conflits fractionnels au sein des élites et de l’armée. En effet, l’héritier désigné, le prince Vajiralongkorn, ne bénéficie pas de l’aura de son père, tant s’en faut !
Un renouveau à gauche ?
La renaissance d’une gauche militante en Thaïlande constitue un deuxième enjeu majeur des conflits en cours. De ce côté aussi, rien n’est joué d’avance tant elle revient de loin. La gauche politique n’existe plus en Thaïlande depuis près de trois décennies. Quant à la gauche sociale, elle était très affaiblie au moment du coup d’État de 2006. C’est bien pourquoi la crise a d’abord pris la forme d’un conflit entre fractions des classes dominantes. Mais la crise s’approfondissant, les contradictions de classe sous-jacentes ont émergé.
La faiblesse de la gauche thaïlandaise a des racines anciennes. Le mouvement communiste est timidement apparu à la fin des années 1920, mais dans des conditions peu favorables. Le pays n’ayant jamais été colonisé et la révolution industrielle tardive, le communisme n’a pas pu se forger au sein d’une vaste lutte de libération ni d’une classe ouvrière développée. La (petite) classe ouvrière était ethniquement segmentée et le mouvement communiste était surtout présent chez les immigrés chinois. Jusqu’au début des années 1970, les paysans pouvaient encore s’installer sur de nouvelles terres ce qui a contribué à contenir la crise rurale. Chaque région avait sa propre histoire politique et sociale: nord-est, nord, plaine centrale, sud… La répression a rendu très aléatoire la survie des organisations légales…
Cependant, dans un contexte international explosif (la Thaïlande servait de « porte-avion terrestre » aux forces états-uniennes engagées en Indochine), le pays a connu une décennie « révolutionnaire », inaugurée en 1973 par le renversement de la dictature militaire. Plusieurs organisations de gauche se sont alors retrouvées dans un front commun, mais seul le Parti communiste (PCT) était en mesure de coordonner l’action dans les divers régions et milieux sociaux. Malheureusement, confronté au conflit sino-indochinois de 1978 et très dépendant de Pékin, il est entré en crise. Sa défaite, consommée au début des années 1980, et la fin de la lutte armée ont clos cette décennie révolutionnaire.
Depuis la disparition du Parti communiste en tant que force active, il n’y a plus en Thaïlande de parti de gauche, qu’il soit réformiste ou révolutionnaire, pouvant prétendre représenter les milieux populaires. Bien des militantes et militants ont pourtant essayé, au tournant des années 1980, de constituer de nouveaux groupes politiques. Certains ont pris contact avec la Quatrième Internationale et ont participé aux activités de l’Institut international de recherche et d’éducation (IIRF) à Amsterdam, mais toutes ces tentatives ont échoué. Il y a notamment à ces échecs une raison particulière à la Thaïlande : le PCT était véritablement un « parti de jungle », la grande majorité de ses membres vivait dans des camps de guérillas ; en les quittant, ils se retrouvaient sans ressources ni organisation locale pour les soutenir. Les départs ont pris la forme d’une hémorragie, pas de scissions structurées et implantées.
Dans ces conditions, le jeu du clientélisme a repris ses droits, minant l’indépendance des mouvements sociaux et du syndicalisme. De nombreux anciens militants communistes se sont retrouvés aux côtés de Thaksin pour mettre en place une politique en faveur des plus démunis mais rendus muets sur les questions démocratiques. Aujourd’hui encore, le mouvement syndical n’a pas surmonté cette situation de dépendance et ses faiblesses. Aucun syndicat n’a été en mesure d’organiser des grèves de soutien aux Chemises rouges durant la crise.
L’expérience des années 1970 a néanmoins laissé des traces. Des liens militants avaient été noués entre villes et villages, entre provinces, entre (anciens) étudiants, ouvriers et paysans. Alors que de nouveaux mouvements paysans naissaient avec le creusement des inégalités ou en défense de ressources dont l’armée ou des intérêts privés s’emparaient (accès à l’eau, à la forêt, etc.), cela a facilité la naissance de l’Assemblée des pauvres en 1995, le 10 décembre, journée internationale des droits humains. Elle comprenait surtout des mouvements ruraux du nord et du nord-est, mais aussi des organisations de pêcheurs du sud ou d’ouvriers de la région de Bangkok. Le fonctionnement de l’Assemblée représentait à la fois une rupture avec l’héritage très centraliste du PCT et avec le lobbysme ou le clientélisme traditionnels.
L’Assemblée des pauvres a organisé de grandes mobilisations dans la capitale avec venue massive de manifestants provinciaux. Même si sa capacité d’action a ultérieurement décliné, elle a contribué à renouveler en profondeur le « savoir-faire » militant des mouvements populaires.
Qu’en est-il aujourd’hui ? Une nouvelle gauche sociale et politique pourrait-elle naître grâce à l’expérience des Chemises rouges ? C’est ce que craignent les élites. C’est aussi ce que l’évolution rapide de ce mouvement composite laisse entrevoir.
Évolutions et clarifications
En quelques années de crise, les enjeux sociaux et démocratiques se sont clarifiés, par-delà les conflits qui déchirent les classes dominantes.
Les Chemises jaunes. Les « jaunes » rassemblaient à l’origine tous ceux qui s’opposaient – pour des raisons très diverses et parfois contradictoires – au Premier ministre Thaksin. Ils ont bénéficié du soutien de tous les médias et du gouvernement issus du coup d’État de 2006. Ils ont ainsi pu occuper impunément les deux aéroports - international et domestique - de Bangkok fin novembre 2008, ce qui a produit un chaos bien plus important que l’occupation tant décriée du quartier commercial de Rajaprasong par les « rouges ».
Pour l’essentiel, les Chemises jaunes soutiennent aujourd’hui la monarchie et militent pour un suffrage censitaire. Ainsi, défendant des positions « ultra », ils menaçaient de redescendre dans la rue pour empêcher le gouvernement Abhisit de négocier avec les Chemises rouges des élections anticipées.
ONG et associations. De nombreuses associations et ONG thaïlandaises ont participé aux manifestations de 2005 et 2006 qui ont conduit à la chute de Thaksin. Elles ont salué le coup d’État du 19 septembre 2006 qui renversait un homme corrompu. Néanmoins, des mouvements plus militants, bien que minoritaires, se sont mobilisés contre le putsch, expliquant à raison qu’il ne fallait pas s’en remettre à l’armée pour défendre la démocratie !
Depuis, la position de certaines ONG qui avaient participé au mouvement contre Thaksin a évolué : pro-« jaunes » au départ, elles sont devenues « neutres » quand la force sociale des « rouges » s’est affirmée (« contre les violences d’où qu’elles viennent »), pour dénoncer aujourd’hui la répression massive subie par les Chemises rouges alors que les traits autoritaires du régime se renforcent.
Les Chemises rouges. Quel qu’ait été le rôle initial de Thaksin Shinawatra, il serait faux de ne voir dans la participation populaire aux mobilisations que le réseau de « clientèle » d’un riche bourgeois. Les Chemises rouges expriment à leur façon toutes les facettes d’une crise globale de société, y compris la crise de l’idéologie dominante avec la perte de prestige de la famille royale (ils sont souvent perçus comme « anti-monarchie »).
Thaksin a conservé une influence importante au sein des Chemises rouges par ses liens avec les principaux dirigeants du Front uni contre la dictature et pour la démocratie (UDD) qui encadrait le mouvement. Compte tenu de l’inexistence de partis de gauche et de la faiblesse des syndicats ouvriers, les courants populaires n’ont pas de représentation politique propre à l’échelle nationale. C’est ce qui rend plus difficile l’analyse de ce mouvement et des rapports de forces en son sein.
Le mouvement des Chemises rouges n’est pas sans problème ; il est évidemment traversé de clivages politiques plus ou moins formalisés. Mais il a été porté par trois exigences légitimes.
Une exigence démocratique. De façon répétée, les partis favorables à Thaksin ont emporté les élections (très largement). À chaque fois, ils ont été frappés par des coups d’État militaires ou judiciaires. La Thaïlande est l’un des (rares ?) pays où des membres de l’élite, voire des classes moyennes de Bangkok, déclarent ouvertement que les « ignorants », à savoir les pauvres, ne devraient pas voter, que la politique est affaire d’instruits.
Une exigence sociale. Les témoignages abondent sur la conscience aiguë, chez les manifestants, des inégalités sociales qui caractérisent le royaume. Tout aussi frappante a été la haine de classe exprimée sans retenue par l’establishement de Bangkok contre les « hordes » de «pauvres» venues « envahir » leur capitale.
Des exigences régionales. Depuis longtemps, les élites de Bangkok ont la réputation de drainer les richesses du pays à leur seul profit, ce qui renforce des sentiments régionalistes non seulement dans l’extrême sud musulman mais aussi dans le nord et le nord-est (les traditions de gauche étant par ailleurs plus fortes dans cette dernière région).
Toutes ces exigences sont légitimes et méritent d’être soutenues.
La crise de l’idéologie dominante
N’ayant pas été brisées par une conquête coloniale, les institutions du royaume ont connu une continuité dont n’ont pas bénéficié les pays voisins. Mais la crise actuelle remet en cause l’image (superficielle) d’une Thaïlande consensuelle, hiérarchique, organisée autour de la royauté, du bouddhisme et de la nation, où chacune et chacun acceptent la place qui lui est dévolue. Cette image est bien lézardée même si ce n’est pas la première fois.
Ainsi, la « révolution de 1932 » a imposé le passage de la monarchie absolue à la monarchie constitutionnelle. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, l’autorité de la famille royale est tombée au plus bas, après le meurtre d’Ananda Mahidol (Rama VIII), avant que Bhumibol Adulyadej (Rama IX), son frère, n’accède au trône en 1946. Ce fut à nouveau le cas après le coup d’État sanglant de 1976… Pourtant, une description « officielle » du royaume thaïlandais s’est imposée dans les universités et les médias. En réalité, le prestige royal n’est pas un fait « naturel » mais a dû être reconstitué de façon très systématique, en particulier sous la dictature de Sarit Thanarat avec l’aide des Américains. Plus récemment, l’autorité du roi Bhumibol avait été renforcée par le rôle qu’il avait joué lors de crise de 1992. Mais d’aucuns se souviennent maintenant qu’il a aussi couvert de son autorité tous les coups d’État et bains de sang depuis qu’il règne.
Aujourd’hui, l’idéologie dominante (« le roi, la religion, la nation ») semble une nouvelle fois contestée et la voie ouverte à l’affirmation d’idéologies populaires et critiques. Ce n’est pas le moindre des enjeux de la crise actuelle.
La solidarité internationale : une exigence, une urgence
Vu la violence de la répression et les enjeux de la crise thaïlandaise, il est extrêmement important que les mouvements populaires reçoivent un soutien international efficace. Pour ce faire, il faut cependant surmonter un triple passif. Malgré la participation au mouvement altermondialiste de quelques organisations basées en Thaïlande, il n’existe plus aucune tradition vivante de solidarité envers ce pays ; il faut la reconstituer. Bien des ONG présentes dans le royaume ont contribué à donner une image très négative des Chemises rouges dans leurs réseaux internationaux. Bien des courants d’extrême gauche continuent à associer ce mouvement à Thaksin et perçoivent mal les polarisations sociales à l’œuvre.
Compte tenu de ce passif, l’écho reçu par les premières initiatives de solidarité est encourageant. C’est notamment le cas pour l’Appel rendu public le 20 juin dernier. Il a reçu à ce jour près de 700 signatures. Parmi elles, on note de nombreux Thaïlandais, ce que nous n’avions pas prévu, compte tenu des risques qu’ils encourent. Notons aussi la présence de quelques chercheurs de renom, spécialisés sur l’Asie du Sud-Est, et le grand nombre de pays représentés (une cinquantaine) grâce notamment à... l’émigration thaïlandaise, mais aussi aux réseaux militants qui ont souvent servi de relais pour faire plus largement connaître cet appel.
Il y a aussi bon nombre d’absents dans les signataires, notamment chez les élus, ce qui n’est pas sans poser problème. Mais c’est la première fois depuis plusieurs décennies que la Thaïlande entre ainsi dans le champ de la solidarité internationale. Une première étape a été franchie. Il faut maintenir la pression pour que le régime ne puisse pas poursuivre sa répression dans l’indifférence et inscrire cette solidarité dans la durée. Il ne s’agit pas seulement d’apporter ponctuellement notre soutien aux victimes de la répression, mais aussi de le pérenniser.
Les élites thaïlandaises veulent étouffer dans l’œuf la renaissance d’un mouvement démocratique et populaire. Elles usent pour ce faire de tous les moyens : prolongation de l’état d’exception dans de nombreuses provinces, arrestations par centaines, censure et recours à des lois comme le « crime » de lèse-majesté (passible de trois à quinze ans de prison) ou le « crime » informatique (qui permet de bloquer des milliers de sites Internet), contre-réformes institutionnelles, réactivation de milices royalistes d’extrême droite, assassinats extrajudiciaires…
Le régime profite du soutien accordé par les États-Unis et, dans une moindre mesure, l’Europe qui s’émeuvent bien peu de la violation des droits humains dans le royaume. Les militantes et militants thaïlandais, les Chemises rouges méritent de bénéficier de notre solidarité.
Danielle Sabai et Pierre Rousset