Quand un agent de Pôle emploi est licencié pour avoir informé les chômeurEs de leurs droits.
Quand unE chômeurE s'inscrit à Pôle emploi, la direction demande aux agentEs de lui expliquer ses « droits et devoirs ». Mais, bien sûr, c'est à géométrie variable. Du côté des devoirs : accepter d'être convoqué tous les quatre matins même si on ne vous propose rien ; accepter qu'on vous fasse la morale si vous ne faites pas d’ « actes positifs de recherche d’emploi » ; accepter des « prestations », préparation d'entretien, rédaction de CV même si vous l'avez fait cent fois ; accepter des formations bidons ; ne pas oublier d’« actualiser » votre situation chaque mois… La liste est longue du côté des devoirs, avec toujours la menace de la radiation pour les récalcitrantEs ou les démuniEs dans le labyrinthe des procédures.
Yann Gaudin, lanceur d’alerte
Mais du côté des droits ? La procédure de licenciement de Yann Gaudin prouve bien que l'établissement est beaucoup moins zélé… Des privéEs d'emploi auraient droit à une indemnisation et il faudrait leur en cacher l'existence ? Les intermittentEs du spectacle doivent toucher des « fin de droit » comme touTEs les chômeurEs, par ailleurs, et personne ne doit les en informer ? C'est bien ce que la direction de Pôle emploi exige de ses agentEs ! Le message envoyé par le gouvernement est clair : mener la vie dure aux chômeurEs, intermittentEs ou pas, pour leur faire accepter n'importe quel boulot, n'importe quelles conditions de travail pour des salaires toujours plus dérisoires. C'est bien connu, la France serait trop généreuse avec ses privéEs d'emploi, ce qui expliquerait le taux de chômage plus élevé qu'ailleurs !
En voulant informer les chômeurEs de tous leurs droits et pas seulement de leurs devoirs, Yann Gaudin n'a fait que son travail. Mais, dans une institution coercitive et répressive qui n'a plus rien d'un service public, c'est bien un lanceur d'alerte.
Une mission de service public…
Embauché en 2006 à l'ASSEDIC, Yann Gaudin n'a pas eu le choix de son statut : jusqu'en décembre 2008, l'ANPE, avec ses agentEs sous statut public, traitait de la demande d'emploi et l'ASSEDIC de l'indemnisation. Les agentEs de l'ANPE pouvaient, quand ils échappaient à la « servitude volontaire », défendre leurs missions de service public, refuser d'être le bras armé du patronat sans craindre le licenciement. C'est ainsi que dans les années 1980, une lutte fut menée pour dénoncer les annotations racistes portées par des agents sur certaines offres d'emploi. On pouvait lire « ni noirs, ni arabes » ou « 01B » qui signifiait français blanc ! Heureusement qu'il s'est trouvé des lanceurs d'alerte pour mettre fin à ces pratiques, car la direction fermait les yeux. À l'époque déjà, comme elle le fait pour Yann, elle s'était servie de l'argument : « Vous critiquez le travail de vos collègues » et avait instrumentalisé un petit groupe proche du Front national pour abattre une lanceuse d'alerte par le biais d'un tract diffamatoire envoyé dans toutes les agences parisiennes. Protégés par le statut public, les agents ne furent pas licenciés, mais il y eut un procès gagné contre les collègues racistes. Malheureusement, l'établissement ne fut pas mis en cause.
… détruite par la fusion ANPE-ASSEDIC
Côté ASSEDIC, les salariéEs connaissaient parfaitement la législation et pouvaient instruire les dossiers au mieux pour les privéEs d'emploi. Depuis la fusion des deux organismes mise en chantier par les « socialistes » et finalisée par Sarkozy en 2008, et que seule la CGT ANPE a combattu jusqu'au bout, les qualifications se sont perdues. Les unEs font le travail des autres. La complexité de l'indemnisation échappe bien souvent aux conseillerEs formés à la va-vite, les erreurs sont nombreuses et extrêmement difficiles à prouver par les privéEs d'emploi. D'autre part, il ne reste plus qu'environ 10% d'agentEs ex-ANPE ayant gardé leur statut public car plus aucune embauche ne se fait sous ce statut. La casse de ce service public, qui avait ses défauts, bien sûr, a été délibérément choisie par les politiques pour servir le patronat et faire régner un véritable chantage à l'emploi. Dans ces conditions, comment s'étonner que la direction de Pôle emploi Bretagne puisse s'acharner sur un conseiller qui ne fait que défendre les droits des usagerEs.
Yann Gaudin ne doit pas être licencié mais au contraire servir d'exemple à toutes et tous ! Soutenons-le et exigeons l'abandon de la procédure de licenciement. Ce « monde d’après » ne pourra devenir respirable que si partout, dans toutes les institutions ( armée, police, prisons, hôpitaux, éducation nationale …) les alertes retentissent jusqu'à crever les tympans des oppresseurs !