Publié le Mercredi 22 juillet 2020 à 09h31.

Les confessions d’un anarchiste

De Parisa Reza, Gallimard, 2019, 256 pages, 20 euros. 

Dans son troisième roman, Parisa Reza, écrivaine française d’origine iranienne, évoque des années cruciales de l’histoire de l’Iran avant la Première Guerre mondiale, lorsque s’est déroulée ce que l’on désigne fréquemment sous l’étiquette de « révolution constitutionnelle iranienne ». Une période où se mêlent revendications nationales et démocratiques tandis que commence à se faire jour la contestation sociale de l’ordre ancien. 

Aspirations démocratiques 

La dynastie impériale des Qadjar en pleine décadence a besoin d’argent pour financer les dépenses somptuaires de la Cour : elle emprunte donc à tour de bras à l’étranger ; pour garantir ces emprunts elle délègue les recettes, notamment douanières, à des administrateurs étrangers et se trouve donc en position de totale faiblesse par rapport aux deux grands impérialismes qui veulent assujettir le pays : la Grande-Bretagne et la Russie.

Cette situation attise les aspirations démocratiques à la mise en place d’une Constitution et d’un Parlement qui contrôle les finances du pays et les dépenses de la Cour. Le chah finit par céder mais ne rêve que de retour en arrière. 

Tandis que l’ordre impérial est rétabli à Téhéran, la résistance armée continue dans la grande ville du nord, Tabriz, où commencent à apparaitre de façon très minoritaire des courants partisans d’une révolution sociale, plus ou moins liés à des sociaux-démocrates de l’empire russe venus se battre aux côtés des tabrizis. Une intervention militaire russe écrasera le mouvement en décembre 1911.

Journal d’un ex-anarchiste

Le support du roman est un journal supposément tenu par un français ex-anarchiste, Victor Ménard, qui a rompu avec ses camarades et fui en Iran où il a connu une nette ascension sociale comme professeur de français et familier d’une famille aristocratique. Son récit est parfois confus : on ne sait pas s’il faut incriminer l’auteure ou son personnage. Mais, au fil du texte, on découvre l’essentiel de ce qui se joue. Du côté des impérialistes : la Grande-Bretagne, sur la sympathie idéologique de laquelle comptaient les démocrates iraniens, les abandonne car le Parlement veut notamment mettre en place une Banque nationale qui réduirait l’emprise des banques étrangères, notamment britanniques. Du côté du mouvement démocratique qui mêle marchands du bazar, aristocrates libéraux, religieux et intellectuels plus ou moins radicaux, des fissures ne tardent pas à apparaître sur le rôle de la religion dans la Constitution (certains mollahs participent d’abord au mouvement puis commencent à dénoncer les libéraux), puis sur les revendications sociales. Quant aux socialistes les plus radicaux, ils hésitent face à une révolution susceptible de n’être que bourgeoise.

Des personnages authentiques

Le mouvement transforme le pays mais aussi ceux qui y participent. Telle révolutionnaire exaltée modère subitement sa position car elle ne veut pas perdre ses terres. Ménard, d’abord totalement distant et qui reste franchouillard, finit par se rallier au mouvement et à y apporter sa connaissance du maniement des explosifs.

L’écriture manque parfois de clarté et certains des états d’âme de Ménard créent des longueurs. En dehors de quelques personnages principaux (Ménard, la famille princière), la plupart des acteurEs sont des personnages authentiques dont les actes sont racontés à la « sauce Ménard », c’est-à-dire d’un Français qui connaît plus ou moins bien l’Iran. C’est un roman : il ne faut pas en attendre une narration exhaustive et précise des évènements. Mais, au total, la lecture n’est pas fastidieuse et apporte des connaissances sur un des épisodes les plus importants de l’histoire de l’Iran au 20e siècle (Parisa Reza a écrit sur un autre tournant de cette histoire : le coup d’État contre Mossadegh en 1953).