Multikulti Éditions, 2025, 224 pages, 20 euros.
Et vous, que feriez-vous si vous vous réveilliez un matin, un tambour dans la tête, en poche un maigre billet, des clés qui ne sont pas les vôtres et 3 % de batterie ? C’est ainsi que va commencer la journée de notre héros, qui a tout oublié, jusqu’à son nom. Avec pour seul message un : « t’es où », de la part d’un certain « Nez-Plein », énigme qui résonne comme une menace.
Une Odyssée trashy-comique
C’est dans les pensées brumeuses de cet Ulysse déchu que l’on va passer vingt-quatre heures. Malheureux qui, comme Ulysse, rêve de rentrer chez lui après tant de nuits sans espoir et sans sommeil. Chez lui, ce n’est pas Ithaque, mais un petit appartement modeste du quartier Saint-Blaise ; sa Pénélope s’appelle Sophie, peut-être l’attend-elle encore. Le problème, c’est que le parcours est semé d’embûches : déjà, Sophie l’a mis dehors il y a bien longtemps, quand il est tombé dans le crack comme on tombe de Charybde en Scylla. Et puis, il y a bien ce message de Nez-Plein qu’il a retrouvé au réveil : Nez-Plein, c’est un camarade de défonce, mais avec lui ça ne rigole pas. Il vaut mieux ne pas le faire attendre. Alors, à défaut de bateau, il sillonne la ville à bord de la ligne 3B du tram, au gré des stations qui sonnent comme des déesses vengeresses — Diane Arbus, Adrienne Boland, Marie de Miribel… Pour seul bagage, il porte en bandoulière une migraine qui s’accentue à mesure qu’il attaque sa descente. S’il veut retrouver Nez-Plein, il doit se ressaisir, en commençant par trouver un fix, sinon ça ne va pas le faire.
Rendre visibles les invisibles
Dans Fumeur de cierges, Bastien Stisi, ancien prof d’histoire — comme son protagoniste — désormais journaliste chez Nova, imagine le quotidien d’un fumeur de crack, cette drogue qui se fabrique vite, s’obtient pour presque rien, circule de main en main et fait des ravages. Un quotidien dans lequel le regard des autres compte presque autant que les soucis qu’il faut fuir, où les réalités s’entrecroisent, se percutent et s’égarent. Un récit à la première personne qui passe par le roman pour narrer une réalité qui, à Paris et depuis quelques années, préoccupe chaque jour un peu plus. Un roman qui rappelle, surtout, sans aucun misérabilisme, que le crack n’est pas un souci de sécurité publique, mais bien de santé publique. Il paraît le 16 octobre chez Multikulti Éditions, une maison indépendante un peu punk sur les bords, qui s’est donné pour mission de « rendre visibles les invisibles ». Bonne lecture.
Louise G. Asher