Publié le Vendredi 18 septembre 2009 à 23h12.

Leçons antillaises (par Ingrid Hayes)

Souvenons nous que dans l’histoire, les basculements interviennent « quand ceux d’en haut ne peuvent plus et que ceux d’en bas ne veulent plus »…

Si les éléments de crise s’accumulent, nous ne sommes évidemment pas parvenus à un tel point de rupture. Ceux d’en haut “peuvent” visiblement encore un peu, la crise les décrédibilise comme elle décrédibilise le système qu’ils servent, mais elle leur sert à faire peur, à diviser, à exploiter encore un peu plus violemment, avec toujours à portée de main la répression sous toutes ses formes. Et puis ce sont de grands acteurs, ils s’agitent, ils déclament, ils promettent. Quant à ceux d’en bas, il y a quelques signes qui laissent entendre qu’ils « veulent » de moins en moins. Luttes en Italie, grève générale en Grèce après les mobilisations massives dans la jeunesse cet hiver, résistances en France qui cherchent le chemin de la convergence en dépit de tous les obstacles... Et puis les Antilles. Les formidables leçons des Antilles. Peuples de Guadeloupe et de Martinique, unis, déterminés, jusqu’à la victoire, face à l’Etat français, face au patronat béké. Le LKP de Guadeloupe, dans lequel ont lutté ensemble organisations syndicales et organisations politiques, dépassant ainsi le clivage ordinairement imposé, mais aussi associations de locataires, de défense de l’eau, associations culturelles… a combiné unité et radicalité, et cette combinaison a permis de l’emporter !
Bien sûr la situation des Antilles est spécifique, avec l’oppression coloniale qui s’imbrique avec l’oppression de classe et prend le visage de l’Etat français, avec l’insularité. Avec, aussi, des organisations et directions syndicales infiniment plus indépendantes, combatives et déterminées qu’en métropole. Dernière illustration en date, le refus du LKP, et en Martinique du Collectif du 5 février, de cautionner l’opération des états généraux de l’outre-mer voulue par Sarkozy.
Mais d’un côté et de l’autre de l’océan, il y a des combats communs, pour l’augmentation des salaires, contre les licenciements, plus généralement contre l’oppression et l’exploitation qui s’aggravent encore avec la crise.
Alors il faut donner confiance à celles et ceux d’en bas. Cela signifie militer pour la généralisation des luttes, favoriser tous les cadres auto- organisés dans les mobilisations, toutes les convergences, être aux côtés de toutes les équipes syndicales qui se battent aujourd’hui pied à pied, pour l’emploi, les salaires, les services publics, refusant de payer la crise. Cela signifie aussi et dans le même temps avancer une orientation radicale, anti-capitaliste, une orientation qui réhabilite l’idée qu’un autre système est possible, qu’il y a une alternative au capitalisme failli. La crise actuelle en donne l’occasion, tandis que les puissants cherchent désespérément de nouveaux modes de régulation pour sauver un système qui se présentait comme le seul possible et qui entendait justifier l’injustice au nom de l’efficacité : il se trouve bien en peine de se trouver une raison d’être maintenant qu’il nous a entraînés dans un nouveau gouffre. La question posée aujourd’hui par la crise ne se résume pas à la répartition des richesses. Elle est aussi : qui décide, qui contrôle, qui possède, les travailleuses, les travailleurs et la population ou une poignée de privilégiés ? Le seul système efficace, c’est celui qui satisfait les besoins de la population. Or qui mieux que la grande majorité de la population est en mesure d’en décider ?
C’est dans ce contexte que se profilent les élections européennes. Elles n’en sont pas déconnectées. Parce que, dans la campagne qui s’annonce, il faut que les luttes actuelles, le refus de payer la crise du capitalisme, soient bien représentés. Parce que les résistances existent à l’échelle de l’Europe, et qu’il est vital de les amplifier et de les coordonner. Parce qu’à l’occasion de ces premières échéances placées sous le signe de la crise, il faut parvenir à rendre crédible, concret, un plan anti-crise sous forme d’alternative globale, anticapitaliste, à l’échelle européenne, avec toutes les organisations qui partagent cette perspective avec nous.