Publié le Lundi 26 septembre 2016 à 07h24.

Combattre l’offensive autoritaire et raciste des classes dominantes

En plongeant les populations dans l’horreur d’un terrorisme aveugle et criminel, les ignobles attentats de Nice et de Saint-Etienne-du-Rouvray ont offert aux classes dominantes l’occasion de redéployer une offensive autoritaire et raciste. Au lendemain de l’attentat de Nice, Hollande a ainsi pu annoncer une prolongation de trois mois de l’état d’urgence, dont il n’y a pas besoin d’être grand devin pour deviner qu’elle servira d’abord et avant tout à museler le mouvement social, comme cela a été le cas au printemps dernier. Il a aussi annoncé la mise en place d’une très inquiétante « garde nationale », puisant une nouvelle fois directement dans le programme du Front national.

Si le gouvernement justifie cette politique par la crainte de nouveaux attentats, ces nouvelles mesures sécuritaires s’inscrivent dans une tendance de fond qui amène les classes dominantes à se doter d’Etats de plus en plus autoritaires, afin de disposer des moyens policiers nécessaires pour faire face aux fractures béantes que leurs politiques néolibérales ont ouvertes dans la société.  Pour avoir été annoncées au nom de l’état d’urgence, les entraves répétées au droit de manifester qui ont marqué le mouvement contre la loi travail se situent ainsi dans la continuité d’une politique de restriction des libertés démocratiques qui avait amené Hollande à interdire les manifestations de solidarité avec Gaza à l’été 2014.

Le caractère de plus en plus policier que prend la lutte des classes se concrétise aussi par une multiplication des procès politiques. La criminalisation du mouvement social va amener les Air France et les Goodyear devant les tribunaux, tandis qu’à l’exemple des dockers du Havre, des dizaines de militant-e-s vont comparaître dans les semaines à venir pour « outrages » ou « rébellion », au terme de procédures construites de toutes pièces par la police et les parquets.

Ce climat permet au patronat d’accentuer la répression dans les entreprises, comme en témoignent la multiplication des procédures disciplinaires à la Poste, où les délégués syndicaux sont désormais mis à pied pour de simples prises de paroles dans les dépôts, mais aussi le procès en appel d’une inspectrice du travail que le parquet a fait condamner en première instance pour avoir apporté la preuve que la direction de Tefal avait corrompu sa propre hiérarchie afin d’entraver son action !

Les attentats criminels de l’été ont aussi provoqué une nouvelle poussée d’islamophobie qui est d’autant plus inquiétante qu’elle procède moins d’une réaction populaire que de l’initiative du gouvernement. Au prétexte de lutter contre le djihadisme, Hollande a annoncé la relance de la « fondation des œuvres de l’Islam de France » (chargée du financement des mosquées et du culte) dont il a souhaité confier la présidence à Chevènement, qui incarne non seulement l’aile la plus réactionnaire de sa majorité, mais aussi les vieilles politiques paternalistes et néocoloniales de la France mitterrandienne. Sitôt pressenti, Chevènement a d’abord appelé les musulmans à faire preuve de « discrétion », avant de déplorer que la nationalité française ait disparu de la ville de Saint-Denis, en établissant un lien scandaleux entre blanchitude, christianisme et nationalité française.

Plus grave encore, Valls et le gouvernement ont apporté leur soutien aux arrêtés anti-burkini pris par les maires démagogues de la droite extrême des Alpes-Maritimes. Si ces arrêtés ont été finalement cassés par le Conseil d’Etat, qui a relevé à juste titre leur caractère discriminatoire, ils ont permis de mettre à l’ordre du jour le projet d’une nouvelle loi ciblant spécifiquement les musulman-e-s. Valls en a sans doute donné les premiers contours en annonçant qu’il était prêt à étudier la mise en place d’une loi d’interdiction du salafisme, ouvrant ainsi la porte à l’établissement d’une législation d’exception ouvertement islamophobe.

Directement tournée contre les classes laborieuses, qui se trouvent plus que jamais considérées comme des classes dangereuses, cette offensive autoritaire et raciste des classes dominantes ne peut être enrayée que par une large riposte des organisations ouvrières. Celle-ci doit passer par un soutien déterminé à toutes les victimes de la répression et de l’islamophobie d’Etat, mais aussi par le refus de tout « front républicain contre le terrorisme » qui ne pourrait constituer dans ce contexte qu’une alliance contre-nature avec les classes dominantes.

Laurent Ripart