Éditions Daronnes, 2025, 364 pages, 25 euros.
Si tout est dans le titre, les autrices explicitent leur démarche dans l’introduction : « L’abolition nécessite de profonds changements dans notre manière de lutter contre l’oppression, et de travailler au monde que nous voulons. Pour nous, le féminisme offre une sorte de carte routière politique et idéologique pour guider ces efforts. Le sentiment d’urgence, ce “tout de suite”, est décuplé par les récents soulèvements1 dans tous les États-Unis, et par la longue histoire des luttes quotidiennes au sein des communautés noires, racisées, immigrées, queer et autochtones ».
Un ancrage de terrain
Le propos des autrices consiste à mettre en évidence, à partir de leur expérience, de leur pratique universitaire, de leur travail de terrain, de leurs luttes, le fait que féminisme et abolitionnisme, loin de s’opposer, non seulement se complètent mais sont indissociablement liés. Le « tout de suite » de la version française — qui ne traduit pas bien, me semble-t-il, la force du « Now » du titre original — indique qu’il ne s’agit pas d’attendre les jours meilleurs d’une improbable victoire abolitionniste pour dénoncer l’institution carcérale. Au contraire, il est indispensable de lier dès maintenant l’engagement contre la société capitaliste et la critique féministe de la police et de la justice. Ainsi, selon les autrices, aucune ambition réformiste ne saurait apporter de solution à notre camp social et, pour l’affirmer, elles s’appuient sur l’expérience réelle des « communautés brown, noires, queer et pauvres » dans les prisons newyorkaises.
Une autre justice est possible
Selon les autrices, on ne doit rien attendre de la justice d’État (et bien sûr de la police), y compris en ce qui concerne les violences sexistes et sexuelles. Une alternative doit être construite dans les luttes des premières concernées et déboucher sur l’avènement d’une justice restaurative, seule cohérente avec une perspective d’émancipation sociale.
Le propos est indéniablement très étatsunien, correspond à une structure carcérale et à une politique pénale très spécifiques, mais les références internationalistes des autrices permettent d’élargir le propos, et la postface de la traduction française, rédigée par l’Envolée2, resitue la pertinence du discours de ce côté de l’Atlantique.
Un ouvrage très utile à un moment où les politiques carcérale et pénale du gouvernement français sont aux mains d’un tout récent ministre de l’Intérieur, qui ne jure que par toujours plus d’enfermement !
Vincent Gibelin
- 1. Paru en 2022 aux États-Unis, le livre suit de près la mort de Georges Floyd.
- 2. https://lenvolee.net/ Média indépendant qui couvre l’actualité des prisons en France et dans le monde