De Philippe Lespinasse, sortie le mercredi 22 juin.
Sortie d’un film qui fait du bien... Au milieu du déluge de marchandisation de l’art, de spéculation, de collectionneurs multimillionnaires, une espèce infiniment honnête et touchante d’artistes s’exprime inlassablement et d’ailleurs rejette même le qualificatif d’artistes...
Ceux que Dubuffet a mis en valeur depuis 1945 sous le générique d’« art brut », souvent exclus de la société, parfois même internés ou en situation de handicap, déversent inlassablement des œuvres répétitives et jamais pareilles, cris de leur inconscient et source de leur survie dans ce monde.
Le film de Philippe Lespinasse présente cinq de ces humains magnifiques, plongés dans leur art exubérant. André Robillard, interné depuis 1935 à 9 ans, qui a fabriqué depuis 1964 des fusées, des spoutniks, et des fusils, des centaines de fusils, pour « tuer la misère » avec les objets les plus divers, et qui regrette que Assad ne les utilise pas car ils sont inoffensifs... Paul Amar, le pape des coquillages, et ses tableaux sculptures, religieux et coquins à la fois, qui se voit comme « un bon ouvrier » à la recherche du génie de Michel-Ange. André Pailloux, cycliste amateur et inventeur du tourne-vent, ses tourne-vent multicolores et son vélo inouï. Richard Greaves, théoricien et architecte silencieux, et ses cabanes poétiques au Québec. Judith Scott, la jumelle trisomique abandonnée, magicienne du fil et de la couleur, tisseuse de cocons magiques.
Le regard de Lespinasse est sans aucune commisération, tendre et admiratif. Le grand personnage qui donne son nom au film, qui vit depuis 67 ans à l’hôpital où un petit appartement lui est alloué, sait parfaitement que les collectionneurs s’arrachent ses œuvres à prix d’or : ça glisse sur lui... qui a rencontré des martiens dont il reproduit les armes. À la fois totalement lucide et totalement dans son monde, comme les quatre autres artistes, il a le privilège immense d’avoir donné un sens à sa vie qui leur permet à tous d’oublier les horreurs qu’ils ont vécues et, on l’espère, d’être heureux.
Ce film destiné aux salles d’art et d’essai doit trouver son public.
Catherine Segala
Pour connaître sa programmation, consulter http ://filmsdesdeuxrives.com. Pour le faire programmer, s’adresser à filmsdesdeuxrives@yahoo… ou Pauline Richard au 07 83 94 77 77.