Ce roman graphique écrit par Jean-Pierre Filiu, historien du monde arabe, et dessiné par Cyrille Pomès, met en scène, à travers les parcours d’anonymes, réels ou fictifs, selon un schéma chronologique qui permet d’en mieux saisir l’effet domino, l’histoire des révolutions arabes, depuis l’immolation de Mohamed Bouazizi à Sidi Bouzid en Tunisie en 2010 jusqu’à la Syrie, en passant par l’Égypte, la Libye, le Maroc, le Yémen, Bahreïn, Gaza… On rencontre ainsi les premiers martyrs des révolutions tunisienne et libyenne (Mahdi Zeyo), des reporters citoyens en Syrie, des paysans yéménites, des supporters de foot égyptiens opposés aux islamistes et aux militaires, des rappeurs gazaoui, auteurs en 2010 d’un Manifeste de la jeunesse de Gaza commençant par ces mots : « Merde au Hamas. Merde à Israël. Merde au Fatah. Merde à l’ONU ». À l’opposé de celle des puissants, cette histoire sociale et populaire, en mettant en lumière les acteurs de ces révolutions dans toute leur diversité sociale, tâche de « comprendre l’Histoire de ceux que les dictatures ne veulent pas laisser avoir une histoire », et démonte l’argument de la complexité syrienne et les théories complotistes, là où il ne faut voir que l’« histoire simple et tragique de la volonté de libération ». Filiu voit dans la révolution arabe en cours le début d’une vague historique de longue durée, une seconde renaissance prolongeant la Nahda du XIXe siècle, revient sur le rôle de la Palestine dans cet embrasement et analyse les diplomaties française et européenne désemparées par ce processus et empêtrées dans une logique d’impunité vis-à-vis d’Israël. Une deuxième collaboration est prévue entre les deux auteurs autour des attaques chimiques d’août dernier en Syrie.
Neïla
BD : Le printemps des ArabesJean-Pierre Filiu et Cyrille Pomès, Futuropolis, 2013, 18 euros.