De Nate Parker, avec Nate Parker, Armie Hammer et Mark Boone Junior. Sortie mercredi 11 janvier.
En titrant son film The Birth of a nation, Nate Parker a voulu répliquer au célèbre film du même nom tourné en 1915 par D.W. Griffith, qui faisait l’apologie de l’esclavage et du lynchage.
Si les films qui dénoncent le racisme et l’esclavage sont relativement nombreux aujourd’hui, il est en revanche rare qu’ils mettent en scène des révoltes violentes d’esclaves. Parmi ceux-ci, on peut sans doute compter Spartacus de Stanley Kubrick (1960), mais il s’agit d’esclaves blancs, et Mandingo de Richard Fleischer (1975), dont la fin qui montrait justement le soulèvement a été coupée.
Aujourd’hui, Hollywood verse volontiers des larmes sur la souffrance des esclaves, mais ne montre guère leur résistance et leurs luttes. S’il est permis de reprocher beaucoup de choses sur le plan formel à Nate Parker, en particulier une tendance à reproduire les clichés hollywoodiens et la maladresse de certaines scènes comme celle de la pendaison, il faut lui reconnaître le mérite d’avoir rendu hommage à un homme qui fut le cauchemar de l’Amérique blanche raciste.
La violence barbare de la révolte n’est pas dissimulée et apparaît clairement comme le produit d’un système d’oppression ignoble. Il ne cherche pas à la justifier mais à en faire comprendre l’origine au spectateur, et c’est tout de même la grande réussite de ce film. Comment en effet demander aux opprimés de se conduire mieux que leurs oppresseurs en pareilles circonstances ? Les relations entre les esclaves comme entre les esclaves et leurs maîtres manquent parfois de subtilité et on imagine ce qu’aurait donné un tel sujet tourné par exemple par Spike Lee... Néanmoins, on ne peut s’empêcher de penser que si toute une partie de la critique, notamment française, s’est acharnée sur ce film, c’est que toutes ces belles âmes bien pensantes préfèrent les esclaves en larmes et à genoux que debout une arme à la main. Car les films qui pendant des décennies ont reproduit les pires stéréotypes racistes, comme celui de la « mama noire » qui fait partie de la riche famille de Blancs qu’elle sert nuit et jour, n’ont jamais fait l’objet d’un tel mépris.
Le film de Nate Parker n’est sans doute pas un chef d’œuvre, il manque de souffle, mais il cogne très fort sur une ignominie qui marque aujourd’hui encore profondément, non seulement la société américaine, mais l’ensemble des États qui se sont enrichis par la traite négrière.
Gérard Delteil