Publié le Mercredi 10 février 2016 à 09h46.

Chocolat

De Roschdy Zem, avec Omar Sy, James Thierrée et Clotilde Hesme. Sortie le mercredi 3 février 2016. 

Avec ce film, Roschdy Zem poursuit les sujets qui traite du racisme et des discriminations. Cette fois, il donne corps et vie à un clown oublié, Rafael Padilla dit « Chocolat ». Né autour de 1868 à Cuba de parents esclaves, donné puis vendu à l’âge de 10 ans, il échoue à Paris en 1886 dans le monde du cirque. Il constitue avec Footit l’un des premiers duos de clowns, le clown blanc et l’auguste, et sera pendant 20 ans l’un des plus populaires. 

Roschdy Zem joue des contre-pieds : Le clown blanc est joué par le petit-fils de Charlie Chaplin, James Thierrée, qui lui vient du cirque, tandis que Chocolat est interprété par Omar Sy, dont la renommée permet la sortie de ce film. Une histoire extraordinaire complètement oubliée. Les expressions « je suis chocolat » ou « je suis marron » viennent directement du succès populaire de Rafael Padilla, le Noir qui prenait les baffes, qui déclenchait les rires par sa naïveté, sa maladresse, et ses pitreries, et qui concluait ses sketches par un « je suis chocolat ». Ce personnage a disparu, il a été oublié, son nom même est inconnu. La qualité première de ce film, avec le travail de documentation qui a été fait depuis plusieurs années, du livre de Gérard Noiriel1, et de l’exposition en cours à la Maison des métallos à Paris2, c’est d’exhumer de l’oubli ce clown, premier artiste noir dans un temps où le colonialisme était triomphant.

Au-delà de ce qui fait rire le public de la Belle-époque, le noir battu et ridiculisé par un blanc, Omar Sy et James Thierrée restituent la dimension artistique de ce couple qui tente d’échapper à l’air du temps. Ils sont liés l’un à l’autre dans le succès et et créent une figure mythique des spectacles de clowns. Évidemment, quand Rafael tente de sortir du rôle qu’on lui permet de jouer et prétend s’émanciper de son statut de clown noir, il se fracasse désespérément contre le mur du racisme, ce qui donne la scène la plus saisissante du film, dans laquelle Omar Sy, dans la rue, battu et blessé, pousse un cri de rage, de révolte et d’impuissance face aux obstacles qu’ils ne peut franchir.

Ce n’est pas un grand film pour la mise en scène et la réalisation, assez linéaire et classique. Mais c’est un coup d’éclairage sacrément utile et bien fait sur un passé qui continue de hanter la société d’aujourd’hui.

Jean-Marc Bourquin

  • 1. Chocolat, clown nègre. L’histoire oubliée du premier artiste noir de la scène française, Gérard Noiriel, Bayard.
  • 2. Exposition « On l’appelait « Chocolat ». Sur les traces d’un artiste sans nom », Maison des métallos (Paris 11e), jusqu’au 28 février 2016.