Publié le Mardi 12 août 2014 à 07h11.

Cinéma : de la propagande militariste au défaitisme révolutionnaire

L’historien Michel Anthony (1) recense près de 200 films de fiction consacrés à la « Grande guerre ». Dans cette énorme production, dominent les films que l’on peut qualifier d’humanistes et de pacifistes, qui dénoncent les horreurs et l’absurdité de la guerre... mais seulement après la fin de celle-ci.

Parmi les plus remarquables : À l’Ouest, rien de nouveau de Lewis Milestone (1930),  et son remake en téléfilm par Delbert Mann (1979), tous deux adaptés du roman de Erich Maria Remarque qui reste l’un des grands classiques de la littérature de guerre. On peut citer aussi Charlot soldat (1918) qui utilise l’arme de l’humour, et La grande illusion de Jean Renoir (1937) qui dut subir des coupes imposées par la censure, des Allemands étant présentés de façon trop humaine.La propagande n’a pourtant pas manqué d’utiliser ce moyen de communication de masse. L’un des tous premiers films de propagande, Cœurs du monde (1918), fut ainsi commandé à D.W. Griffith – réalisateur connu pour ses films à la gloire du Ku Klux Klan ! – par le British War office. Côté allemand, on produisit Le cercle enchanté (1917), à la gloire de l’invincible sous-marin U 35. Outre Atlantique, c’est à Howard Hawks qu’on commanda Sergent York (1941), afin de vanter les mérites de ce héros national qui aurait tué 28 Allemands et fait 132 prisonniers, cela au moment où les États-Unis s’apprêtaient à entrer en guerre.

Antimilitaristes... après la guerreLes films plus franchement antimilitaristes sortiront à une époque où la guerre de 1914-18 sera devenue un sujet moins sensible. L’un des plus marquants, Les sentiers de la gloire de Stanley Kubrick (1957), ne sera pourtant pas diffusé en France avant 1975. Une autre guerre, celle d’Algérie, interdisait de s’en prendre ainsi aux assassins galonnés... Notons cependant que, dès le début des années 30, le réalisateur allemand communiste Georg Wilhem Pabst plaidait pour la fraternité des ouvriers français et allemands dans La tragédie de la mine (1931).Au rayon antimilitariste, il faut aussi ranger La victoire en chantant de Jean-Jacques Annaud (1976), qui nous montre comment colons français et allemands se font la guerre confortablement par Africains interposés ; Le Pantalon, téléfilm d’Yves Boisset (1997), sur le cas d’un fusillé pour l’exemple ; Capitaine Conan de Bertrand Tavernier (1996), qui nous montre comment certains individus peuvent s’épanouir dans la guerre ; Johnny s’en va-t-en guerre de Dalton Trumbo (1971), d’après son roman écrit... en 1939 en réponse à la propagande militariste. Enfin, Joyeux Noël de Christian Carion (2005), montre des scènes de fraternisation entre soldats français et allemands au cours d’une trêve.Un seul film pourtant, à notre connaissance, Les hommes contre... de Francesco Rosi (1970), s’engage clairement sur le terrain du défaitisme révolutionnaire : sur le front autrichien, des soldats italiens socialistes retournent leurs armes contre leurs officiers sanguinaires, reprenant ainsi à leur compte les paroles célèbres de « L’internationale », paroles que les Staliniens chercheront à effacer. (2)

Gérard Delteil

1 – http://artic.ac-besancon.fr/histoire_geographie/HGFTP/Autres/Cinema/cine1418.doc2 – « S’ils s’obstinent ces cannibales à faire de nous des héros, ils sauront bientôt que nos balles sont pour nos propres généraux. »