De Gilles Perret. Sortie le mercredi 9 novembre.
Ce film documentaire est un hommage à la Sécurité sociale de 1945 et aux militants qui ont participé à sa création. La réalisation est vivante alternant images d’archives, témoignages, analyses...
Les interventions des ennemis de la Sécurité sociale sont sans ambiguïté. Reichman (mouvement de libération de la Sécu) ne veut plus de cotisations obligatoires à ces « voleurs », et Kessler (Medef) exige uniquement des assurances et fonds de pension.
Hélas ce ne sont pas uniquement des élucubrations... Les réformes récentes du gouvernement – la Puma (protection universelle maladie) – ou internes aux caisses – le Tram (traitement en réseau de l’assurance maladie), d’autres en cours d’élaboration (fusion CSG-impôts et prélèvement à la source), et de nombreux rapports (réforme des ALD...), préparent la fiscalisation et le démantèlement des organismes pour détruire les fondements de la Sécu.
Dans ce documentaire, beaucoup d’interventions portant sur les origines et fondements de la Sécurité sociale, ses effets positifs, les attaques patronales, les ordonnances de 1967, la privatisation des hôpitaux.. Ce sont de bonnes contributions aux débats et aux luttes à engager pour défendre et reconquérir la Sécu.
Fruit d’un rapport de forces social
Colette Bec (sociologue) participe au débat sur les luttes lorsqu’elle regrette la stratégie gestionnaire et le manque de projet politique des syndicats sur la Sécu. Cela se reflète dans les interventions de Philippe Martinez (CGT), même s’il montre à juste titre que le terme de « charges sociales » n’est pas neutre, de Jean-Claude Mailly (FO) qui voit en la Sécu une valeur républicaine, et bien évidemment de Laurent Berger (CFDT) qui veut la rendre plus efficace... en accompagnant les réformes avec le patronat !
Cependant, nous ne partageons pas l’opinion de la sociologue lorsqu’elle évoque le « consensus atypique entre chrétiens démocrates, gaullistes, socialistes, et communistes pour une société juste et solidaire », alors que c’est bien le rapport de forces social qui a permis la création de la Sécu. La bourgeoisie a cédé provisoirement pour ne pas tout perdre, et a préparé sa revanche dès le début des années cinquante. Enfermées dans la coalition gouvernementale PCF, SFIO, MRP, ou la soutenant, les organisations ouvrières dominantes n’ont pas cherché à mobiliser les travailleurs pour contrer les mutuelles, les médecins, les patrons... qui ont bloqué la mise en œuvre de plusieurs principes fondamentaux (universalité…) et imposé la présence des patrons dans les conseils d’administration (de 25 % en 1945 jusqu’à devenir prédominante en 1965), alors que ce n’est pas à eux de gérer notre salaire socialisé.
Un hommage sans réserve est rendu tout au long du film à Ambroise Croizat. Ministre de la Sécurité sociale, il a bien contribué à la fondation de celle-ci et a signé l’ordonnance de sa création en 1945. Mais à la même époque, ministre du Travail, il a appliqué la stratégie du PCF en lançant « la bataille de la production » pour reconstruire l’État capitaliste, étouffant les grèves, qualifiées d’« arme des trusts » par Maurice Thorez...
S. Bernard