De Pawel Pawlikowski. Film polonais, 1h25, sorti le 24 octobre 2018.
Après Ida, dont un personnage se suicidait et l’autre entrait dans les ordres pour fuir un monde sinistre, Pawel Pawlikowski apparaît vraiment, avec Cold War, comme le cinéaste du désespoir.
« L’âme polonaise »
Son dernier film raconte les amours impossibles d’une jeune chanteuse et d’un musicien dans la Pologne des années 1950-1960. La photo en noir et blanc est d’une grande beauté, la bande son magnifique et les interprètes parfaits. En revanche, le tableau de la Pologne « socialiste » manque de nuances. Pawlikowski semble ne pas faire de différence entre l’époque stalinienne des années cinquante où le « réalisme socialiste » était de rigueur, avec celle des années qui ont suivi la déstalinisation. À partir du milieu des années cinquante, les artistes et intellectuelEs polonais ont en effet bénéficié d’une relative autonomie et n’ont plus été contraints de chanter les louanges du petit père des peuples. De nombreuses œuvres critiques ont vu le jour dans le domaine de la littérature comme du cinéma, par exemple les films de Wajda dès 1955. Il parait donc peu crédible qu’un musicien renommé ait été jeté en camp de concentration dans les années soixante comme cela aurait pu être le cas dix ans plus tôt.
Cold War, très imprégné de l’idéologie de « l’âme polonaise » qui provoque la souffrance des artistes en exil, est aussi moins courageux que Ida qui dénonçait le rôle d’une partie de la population polonaise dans la spoliation des Juifs. C’est malgré tout un très beau film qui suscite souvent l’émotion. On attend avec intérêt que Pawel Pawlikowski se penche sur la Pologne contemporaine.
Gérard Delteil