Coordonné par J.F. Yon, préface de Ken Loach, Éditions de l’atelier, 2017, 10 euros.
Une désintoxication utile, un outil militant. « Les chômeurs n’ont qu’une chose à faire, chercher du boulot », « le chômage c’est la faute aux étrangers », « les personnes au RSA devraient obligatoirement faire quelques heures de travail », ou encore « les femmes sont dans la même situation que les hommes face au chômage »... Ces propos, et des dizaines d’autres du même genre, chacunE d’entre nous les entend quotidiennement sur son lieu de travail, dans des conversations de café ou autour de tables familiales. Ils sont devenus le fonds de commerce d’hommes et femmes politiques d’extrême droite, de droite, mais aussi d’une certaine « gauche », adeptes de la lutte contre « l’assistanat » dans leur volonté de gagner des voix en jouant sur les préjugés soigneusement entretenus.
Face à cette œuvre consciente de division du camp des oppriméEs et des exploitéEs, 25 organisations associatives et syndicales, regroupées à l’initiative du MNCP (Mouvement national des chômeurs et précaires), ont entrepris de démonter une à une, 26 de ces fausses évidences afin de porter ensemble « un coup d’arrêt à des opinions fausses, des idées préconçues dont la pseudo-vérité ne tient que par le rabâchage dont elles sont l’objet ».
Selon ses compétences, chacune de ces organisations a donc traité un thème. Pour ne citer que quelques exemples, le MNCP et l’APEIS apportent leur point de vue sur les revendications, l’organisation et les mobilisations des chômeurs et précaires. Le SNU-FSU aborde l’accueil des chômeurs par Pôle emploi et la « déshumanisation par le numérique ». La Coordination des intermittents et précaires dénonce les prétendus « privilèges » des intermittents, et le DAL s’attaque au stéréotype du précaire mauvais payeur, alors que le véritable problème est celui du manque de logements et des loyers chers. Trois confédérations ou groupements de syndicats apportent également leur contribution à l’ouvrage. La CGT aborde la « sécurité sociale professionnelle », la CFE-CGC « l’uberisation » des emplois et de ses conséquences, et Solidaires, dans un article surprenant (plus proche d’une contribution universitaire que de celle d’un syndicat de lutte) critique les thèses libérales sur les prétendus « effets négatifs » du droit du travail sur l’emploi.
Le livre est riche du croisement de ces points de vue qui se situent souvent dans des optiques différentes, les uns se limitant à vouloir seulement corriger les effets néfastes du système capitaliste, tandis que d’autres se situent plus ouvertement dans une logique de contestation globale.
En quelques pages, la préface de Ken Loach lui donne un « fil à plomb » de classe. Rappelant l’exemple de la Grande-Bretagne et de la précarisation de toute la société qui a fait suite à la défaite du mouvement ouvrier face à Thatcher, il réaffirme que « le film n’est pas fini, le générique n’a pas encore défilé ». Il insiste sur le piège du « nationalisme étriqué » et sur la nécessité d’une perspective internationaliste, pour conclure : « Nous ne devons pas nous faire défaut les uns aux autres, et plus encore nous ne devons pas faire défaut à notre classe ».
J.C. Delavigne