Publié le Jeudi 26 mai 2016 à 09h32.

Exposition : « Apollinaire, le regard du poète »

Au musée de l’Orangerie (Paris) jusqu’au 18 juillet. 

Cette exposition offre à partir du travail de critique d’art du poète un riche voyage au cœur de la révolution artistique qui explosa au début du 20e siècle. De 1902 jusqu’à sa mort en 1918, Guillaume Apollinaire vécut de ses poèmes et de critiques d’art dans des revues telles que l’Intransigeant ou le Petit parisien. Il participe à la vie artistique parisienne, se faisant le critique et l’expression des bouleversements en cours qui s’inscrivent dans les bouleversements scientifiques, économiques, sociaux de la première mondialisation. Il est proche des conceptions qui conduiront au surréalisme, veut rompre les conventions et les carcans, contre les interdits : « L’art doit avoir pour fondement la sincérité de l’émotion et la spontanéité de l’expression. »

Dès 1907, sa relation avec la peintre Marie Laurencin lui permettra de rencontrer certains des artistes les plus novateurs de son temps : ­Picasso, ­Derain, Maurice de ­Vlaminck, Max ­Jacob ou encore le Douanier ­Rousseau, sans oublier Matisse ou Delaunay, Francis Picabia, les cubistes, les futuristes italiens (Gino Severeni, Filippo ­Marinetti) ou ­Marcel Duchamp. Certaines de leurs œuvres jalonnent notre parcours du cubisme au surréalisme. Il repère très tôt Matisse, « le fauve des fauves », et entame une collaboration avec lui. En 1905, il noue avec Picasso une amitié profonde. Ce dernier laissera de lui divers portraits, dont Apollinaire blessé, la tête bandée.

Il est un « homme-époque », comme le qualifiait en 1916 Alberto Savinio, frère du peintre Giorgio de Chirico, auteur d’un célèbre portrait du poète aux lunettes noires. « Homme-époque » avec aussi ses confusions. Acteur d’une des plus radicales révolutions en art, quand éclatera la Première Guerre mondiale, cette boucherie impérialiste, lui, l’apatride, se laissera emporter dans un stupéfiant patriotisme, en contradiction avec son œuvre et ce que sera ensuite le surréalisme. Ce sera l’origine de sa rupture avec André Breton.

Cette exposition est un beau tableau de l’effervescence révolutionnaire du début du siècle dernier, partie intégrante de l’effervescence sociale et intellectuelle qui allait changer le monde…

Yvan Lemaître