Au Grand Palais jusqu’au 30 juillet 2018.
Un peintre rare, qui n’a pas été exposé à Paris depuis 30 ans. Une rétrospective passionnante qui montre l’importance et la cohérence de l’œuvre de Kupka, son art de la couleur, son évolution fulgurante entre 1906 et 1912, illustrant à lui seul la transition de la peinture de la figuration à la non-figuration puis à l’abstraction.
Couleur porteuse d’émotion
D’abord proche des symbolistes et figuratif, il fait ensuite, dans sa période intermédiaire, exploser les formes simplifiées à l’extrême par la couleur ; il décompose la lumière en de grands aplats de couleur ; il peint des effets d’optique, des portraits expressionnistes. La couleur devient porteuse d’émotion, une recherche fondamentale : les Gigolettes, la Gamme Jaune, les Touches de piano, Portrait de famille, Grand nu, l’Eau (la Baigneuse).
Autonomie de la couleur, sensation d’espaces par des lignes et des plans, transcription du mouvement, la figure transparaît encore dans Madame Kupka dans les verticales, puis le sujet s’efface pour finir dans des grandes compositions cosmiques, volutes organiques abstraites et hypnotiques transcrivant l’harmonie de la nature, la source de la création, l’équilibre premier, les accords musicaux : Autour d’un point, Plans verticaux.
Moins connu que Kandinsky, Mondrian, Delaunay, ou Malevitch, il est néanmoins le premier à exposer une œuvre totalement abstraite, Amorpha, dès 1912.
Abstraction géométrique pure et radicale
Volontairement à l’écart des mouvements d’avant-garde qu’il a pourtant connus à Vienne puis à Paris où il s’installe près de l’atelier de Puteaux des frères Jacques Villon et Raymond Duchamp-Villon : il y croise Marcel Duchamp, Robert Delaunay, etc. Il refuse tous les -ismes du moment tout en les frôlant par moments : fauvisme, futurisme, cubisme, son nom étant même parfois associé à l’orphisme, l’art pur de création de son ami Guillaume Apollinaire.
Indépendant sans concession, il est ouvert aux sciences, astronomie et biologie en particulier, à la philosophie, voire à l’occultisme ; il théorise sa pratique dans la Création dans les arts-plastiques ; libre penseur, il dessine pour vivre dans la presse satirique et militante Cocorico, l’Assiette au beurre, illustre l’Homme et la Terre d’Élisée Reclus.
Après la guerre où il s’engage dans la Légion au côté de Blaise Cendrars, Kupka poursuit ses recherches abstraites, ne s’interdisant rien, même le retour d’éléments figuratifs (architectures ascensionnelles des cathédrales, épisode machiniste en 1920), pour aboutir en 1930 à l’abstraction géométrique pure et radicale prônée par Theo Van Doesburg co-fondateur de De Stijl qui l’invite à participer à l’association d’artistes Abstraction-Création.
Enfin distribué en galerie en 1951, il fait ensuite figure de référent de la peinture abstraite au Salon des Réalités nouvelles où il expose jusqu’à sa mort en 1957.
Ugo Clerico