Sous le titre « La maison de verre », le musée de Cahors Henri-Martin présente jusqu’à la fin de l’année une belle exposition autour d’André Breton, de ses objets et de ses séjours aux bords du Lot, découvert à la faveur d’un meeting politique à Cahors.
Le 30 juillet 1949, le chef-lieu du Lot devenait « Cahors Mundi », son maire Jean Calvet ayant signé la « Charte de mondialisation » rédigée par Robert Sarrazac et Louis Sauvé, bientôt rejoint par 239 conseils municipaux sur les 330 du département, dans un climat d’enthousiasme très largement partagé. En juin 1950, la ville et ses environs célébrèrent officiellement la « Mondialisation », avec des discours de Garry Davis, le « citoyen du monde », de Boyd Orr, prix Nobel de la paix 1949, fondateur de la FAO, et d’André Breton. C’est en suivant de nuit la « route sans frontières n° 1 », illuminée et pavoisée pour l’occasion, qu’il eut la révélation de Saint-Cirq Lapopie aux lueurs des feux de Bengale. Acquérant l’ancien atelier du peintre Henri Martin (1860-1943) alors à l’abandon, il allait, jusqu’à sa mort en septembre 1966, passer tous ses étés dans ce village alors moins fameux qu’aujourd’hui, vite qualifié par lui de « paradis terrestre ».
Dimensions collectivesL’enjeu de cette « Charte » et de ces manifestations était considérable, sauver la planète d’une Troisième Guerre mondiale entre les deux « Blocs » s’affrontant alors en Corée et dans la surenchère thermonucléaire. Breton ne fut pas le seul intellectuel de renom à apporter son appui, les « Citoyens du monde » se flattant d’adhérents comme Hervé Bazin, Léon Blum, Willy Brandt, Albert Camus, Charlie Chaplin, Albert Einstein, l’abbé Pierre, Jean Rostand, etc. Mais dès 1949 Breton avait pris ses distances avec un Garry Davis trop « théâtral » et épris de son propre « mythe sentimental », et y compris dans le Lot, l’enthousiasme retomba vite devant les limites du projet. Reste que la municipalité de Cahors, encore de gauche, fête régulièrement les anniversaires de cette cérémonie de « mondialisation », jusqu’à la présente exposition où le beau travail photographique de Nadia Benchallal, réputée pour ses enquêtes auprès des femmes musulmanes, invite le public à arpenter cette première « route sans frontières » qui en appelait évidemment une infinité d’autres.Grâce à des prêts généreux et à une mise en scène très aboutie, Laurent Guillaut, conservateur du musée et maître d’œuvre de l’exposition, parvient à restituer l’ambiance de l’atelier parisien où Breton vivait, écrivait et recevait ses visiteurs, très au-delà du triste « mur » du Centre Pompidou. Comme la « route sans frontières », cette « maison de verre » évoquée dans Nadja se rattachait à un projet collectif d’émancipation qui, pour une fois, n’est pas caché aux visiteurs. Le nombre, la diversité et la qualité des pièces réunies, jusque dans les annexes et parenthèses ajoutées par L. Guillaut, œuvres de Baya Mahieddine (1931-1998), jeune Algérienne dont Breton préfaça la première exposition en 1947, collection d’art populaire d’Yves Le Guernic, etc., méritent largement une halte à Cahors.
Gilles Bounoure