«Sigmund Freud, du regard à l’écoute » : l’exposition du Musée d’art et d’histoire du judaïsme est une première en France. Elle retrace la vie (1856-1939) et le parcours scientifique du fondateur de la psychanalyse, à Vienne ainsi qu’à Paris, jusqu’à sa mort à Londres après qu’il eut fui l’Autriche sous occupation nazie. L’occasion d’aborder de façon originale et vivante son œuvre. Le parcours est illustré de quelque 200 dessins et objets scientifiques, toiles et sculptures, documents qui donnent à voir sa vie, ses influences, son travail, ses préoccupations, sans oublier… le divan et les multiples statuettes antiques dont il était collectionneur. Dans la première salle est exposée Une leçon clinique à la Salpêtrière, par André Brouillet (1887), toile dans laquelle Charcot, qui avait fasciné le jeune Freud lors d’un séjour d’études à Paris, se livre à une démonstration d’hypnose.
Naissance de la psychanalyse
L’exposition fait ainsi redécouvrir la naissance de la psychanalyse, l’évolution de Freud lui-même, qui débute sa carrière en tant que neurologue, passionné par la biologie pour expliquer le développement des neurones et le fonctionnement du cerveau puis qui passe à l’écoute du psychisme et à la thérapie par la parole.
Une salle est consacrée à l’adhésion de Freud à la théorie évolutionniste de Darwin. On croise entre autres Max Ernst, deux portraits de Freud par Dali, plusieurs dessins de Schiele, de Klimt, de Kokoschka, le tableau de Courbet, l’Origine du monde.
En France, la révolution opérée par Freud se diffuse parmi les surréalistes. Plusieurs documents témoignent de ses rapports difficiles avec Breton, enthousiaste mais dont Freud était bien loin…
On regarde avec émotion un petit film sur sa vie à Vienne, Paris puis Londres, commenté par sa fille Anna, un instant de familiarité où l’on croise une de ses quatre sœurs mortes en déportation ou Marie Bonaparte.
On regrettera que l’exposition tienne à inscrire l’œuvre de Freud dans « l’Herméneutique du talmud ». Freud fut bien évidemment façonné par la culture de son milieu familial, mais aussi sociale, le milieu de la Vienne ouvrière et sociale-démocrate. Il se revendiquait des Lumières, se disait lui-même sans religion, « Juif sans dieu », ce qui signifiait aussi pour lui cosmopolite, entièrement dévoué à son travail scientifique, lui dont « la main géniale […] a soulevé le couvercle du puits poétiquement nommé "l’âme" humaine » ainsi que l’écrivait Trotski.
Yvan Lemaitre