Musée du quai Branly (Paris 7e), jusqu’au 18 octobre 2015Pas besoin d’être tatoué pour visiter cette nouvelle exposition. Il n’est pas non plus question d’être pour ou contre l’immortalisation des grands événements d’une vie à même la peau. L’exposition s’adresse aussi bien à ceux qui pensent que le tatouage est une forme d’expression de soi comme à ceux pour qui c’est le symbole indélébile de la « vulgarité populaire »...
Les commissaires de l’exposition ont en effet réussi à présenter sans prosélytisme, à travers cinq parcours, les origines, l’histoire et les différentes formes que prend le tatouage dans le monde. Ils se démarquent en cela des manifestations sur le même thème, comme le mondial du tatouage tenu en mars dernier au 104, qui ne s’adressent qu’aux initiés convaincus. Aujourd’hui les tatouages n’ont jamais été aussi populaires, avec un Français sur dix tatoué, selon une étude Ifop de 2010. Pourtant ils ne sont pas vraiment tolérés, surtout au sein des entreprises où le corps tatoué divise toujours les opinions. La première partie de l’exposition retrace à ce sujet l’histoire de la marginalisation du tatouage, des tatoueurs et des tatoués. Soldats et marins marquent à jamais sur leur peau leur loyauté envers leur régiment, mais, longtemps, on a associé le tatouage à une marque d’appartenance à des groupes stigmatisés, comme les prisonniers des goulags russes ou les prostituées qui bravent ainsi l’autorité et le bon sens populaire. En Amérique du Nord, au début du XXe siècle, les tatoués vont même profiter de cette marginalisation pour se donner en spectacle dans des cirques itinérants. On retrouve encore aujourd’hui chez beaucoup de « grands » tatoués ce goût de la mise en scène du corps, comme chez Zombie Man, mannequin canadien de 29 ans qui porte un tatouage de squelette de la tête au pied, ou encore l’homme Lézard avec ses écailles vertes et sa langue fourchue.
« Une relation de soi à soi »La deuxième partie de l’exposition nous fait voyager sur tous les continents et à travers de nombreuses civilisations à la découverte des genres historiques de tatouage : l’irezumi japonais, les tatouages « old school » à l’américaine, les tatouages traditionnels maori, polynésien, thaïlandais, indonésien… Chaque culture a su développer ses propres motifs et techniques de tatouage qui sont aujourd’hui toujours utilisés ou réinterprétés, comme en témoignent les 30 artistes tatoueurs invités pour l’exposition à créer des tatouages originaux sur des peaux synthétiques en silicone. Cette belle exposition permet donc de découvrir le monde mystérieux, bien que trop souvent mal médiatisé, du tatouage et que le musée résume simplement ainsi dès le début de l’exposition : « Si le tatouage n’est pas toujours immédiatement décryptable, il demeure la trace d’une relation de soi à soi, de l’individu à son groupe d’appartenance et du tatoueur au tatoué. »
Lea Clerico