Au musée d’Aquitaine (Bordeaux) jusqu’au 30 avril 2017
Cette exposition itinérante rend hommage aux esclaves malgaches abandonnés pendant seize ans sur l’île de Sable après le naufrage de l’Utile armée par la Cie des Indes orientales en 1761.
140 hommes montent à son bord, tout corps de métier, et partent de Bayonne pour ravitailler l’île de France (île Maurice) et ramener des colonies des soieries, cotonnades, thé, café, épices… Quand l’Utile arrive à Foulepointe à Madagascar, il embarque illégalement 160 esclaves grâce à des complicités locales, celle de l’état-major et des officiers mariniers, pour les vendre sur les îles Rodrigues dont les planteurs ont besoin de main-d’œuvre.
Changement de cap pour le navire, deux cartes de navigation contradictoires, la soif de profit qui fait naviguer de nuit dans l’océan Indien… et c’est le naufrage sur l’île de Sable ! 210 rescapés, dont 80 esclaves, vont cohabiter pendant deux mois sur ce bout de terre de 1 km2, éloigné de 500 km des premières terres, jusqu’au départ des marins abandonnant les esclaves malgaches et leur faisant la promesse de revenir les chercher.
Pendant seize ans, les Malgaches tenteront de survivre sur cet îlot isolé, battu par les tempêtes tropicales et les déferlantes. Et c’est ce que raconte une grande partie de l’exposition, résultat de fouilles archéologiques sous-marines et terrestres débutées en 2006 qui viennent compléter les témoignages des marins du 18e siècle. Les Malgaches n’auront pour boisson que l’eau saumâtre puisée au fond d’un puits, des sternes et des tortues vertes comme maigre pitance, le feu entretenu avec silex et bois récupérés sur l’épave. Ils réparent et font durer les récipients métalliques avec leurs connaissances et compétences en métallurgie. Ils revoient l’organisation ancestrale de leur habitat, remettent en cause leurs croyances, collectivement, en construisant un habitat en pierre de corail, pour faire face aux cyclones et déferlantes de cette région de l’océan indien… Une étonnante et dure adaptation jusqu’à leur sauvetage au bout de seize ans.
La promesse de sauver les esclaves faite par le 1er lieutenant de l’Utile et la montée des idées pour l’abolition de l’esclavage auront raison du refus des autorités de les sauver. Mais quand Tromelin, chef du vaisseau sauveteur débarquera sur l’îlot (on lui donnera son nom), seules sept femmes et un enfant avaient survécu !
Sandrine Alarcon
À lire aussi sur le sujet, une bande dessinée : Les esclaves oubliés de Tromelin, Sylvain Savoia, Dupuis, 2015, 20,50 euros.