Publié le Vendredi 23 juillet 2021 à 13h00.

Il n’y aura plus de nuit, d’Éléonore Weber

Documentaire français, 1h15min, sorti le 16 juin 2021.

Un documentaire qui vient de sortir, à voir dans les très bonnes salles qui ont choisi de le distribuer. La documentariste a travaillé sur des images récupérées sur Youtube prises d’hélicoptères français ou US sur le théâtre de leurs opérations extérieures.

Déshumanisation de la guerre

À première vue, on pourrait penser à un jeu vidéo plutôt dépouillé. Mais le décryptage par un pilote d’hélicoptère est tout simplement glaçant. Les images sont prises par le casque d’un pilote qui repère, vise et déclenche le tir sur des cibles surveillées et traquées par les procédés technologiques les plus pointus. C’est le mouvement de tête du pilote qui gère la précision de la chasse. Les caméras thermiques permettent l’intervention par tous les temps et à tout instant, au plus noir de la nuit puisque c’est la chaleur des corps qui est détectée. Mais, par contre, la précision des caméras a des limites : identifier dans un groupe en mouvement des paysans au boulot avec leurs outils ou des combattants armés dépend en dernier recours de l’analyse du « contexte » que fait le pilote.

C’est ainsi que les « dégâts collatéraux » se multiplient, couverts par l’impunité de pilotes qui sèment la mort depuis leur hélicoptère. La déshumanisation de la guerre repousse toutes les limites. Stade suprême : les caméras dernier cri qui permettent aux pilotes de distinguer en pleine nuit comme par une journée de plein soleil les reliefs, constructions et mouvements humains ! Ce qui donne tout le sens du titre, avec ces technologies : « Il n’y aura plus de nuit ». Mais pose aussi de nombreuses questions : la dissymétrie des forces entre les armées dotées de ces technologies sur des terrains d’intervention comme l’Afghanistan ou l’Irak a semé la terreur et la mort, mais n’a pu leur assurer la victoire ni militaire ni politique sur les « terroristes » qu’elles combattaient. Alors quand va-t-on imposer de mettre enfin ces avancées technologiques au service de la satisfaction des besoins de la population, à commencer par la population victime de ces guerres du 21e siècle ?