Publié le Jeudi 9 mai 2019 à 13h17.

La crise de l’accueil : frontières, droits, résistances

Sous la direction de Annalisa Lendaro, Claire Rodier et Youri Lou Vertongen, éditions la Découverte, 350 pages, 25 euros. 

« Au-delà du seul règlement Dublin qui en est l’emblème, on constate que les politiques conduites dans les domaines de l’immigration et de l’asile non seulement traduisent un décalage croissant entre les principes de droit international, qui engagent tous les pays européens, et le traitement réservé en pratique aux exilés et aux migrants, mais induisent une perception biaisée voire hostile du fait migratoire par l’opinion publique, qui nourrit l’idée de "crise", volontiers instrumentalisée par certains dirigeants européens. » Dans l’introduction de l’ouvrage qu’il et elles ont coordonné, Annalisa Lendaro (sociologue), Claire Rodier (juriste) et Youri Lou Vertongen (politiste) questionnent l’idée en vogue de « crise migratoire », établissant que ladite crise est une notion politiquement construite, visant à faire porter la responsabilité de la « crise » sur les migrantEs eux-mêmes et à considérer le fait migratoire comme une menace. 

De quelle crise parle-t-on ?

Un discours particulièrement dangereux que l’ouvrage, qui regroupe une douzaine de contributions, entend déconstruire, au moyen d’approches pluridisciplinaires, d’enquêtes de terrain et de mises en perspective qui permettent de comprendre que la « crise » n’est pas nécessairement là où on le pense.

Crise de l’accueil ? Crise des frontières et de leur gestion ? Crise de la solidarité ? Du Royaume-Uni à la Grèce, de l’Allemagne à la Hongrie, de Calais à Lampedusa, les enquêtes des universitaires et journalistes qui ont nourri ce solide ouvrage nous permettent non pas de nous « mettre à distance » des situations tragiques et des politiques qui les perpétuent, quand elles ne les amplifient pas, mais d’en comprendre les ressorts et les enjeux. De la « gestion meurtrière des frontières » aux expériences de solidarité en passant par la production de catégories et de mots (« réfugié », « passeur », « migrant économique ») qui obscurcissent davantage qu’ils n’éclairent le réel, les travaux compilés dans le livre offrent des points de repères, des clés de compréhension, mais aussi des arguments pour toutes celles et tous ceux qui refusent de se résigner face au discours de la « crise migratoire » et face à la vague réactionnaire et xénophobe qui traverse toute l’Europe. 

Julien Salingue