Publié le Samedi 7 décembre 2024 à 15h00.

La domination blanche

En quoi consiste la condition blanche et en quoi est-elle avantageuse ? Comment se déploie la domination blanche ? Comment un hypothétique camp politique blanc se mobilise pour faire ou défaire le racisme ? Autant de questions qui structurent ce livre, dont la lecture s’avère indispensable pour apprendre, pour comprendre, pour discuter et pour élaborer !

Différentes nuances de blanc...

Alors que l’on a tendance à rechercher outre-­Atlantique l’origine des discussions sur la blanchité et la discrimination raciale, les autrices nous invitent à retraverser l’océan pour situer la genèse de l’identité blanche dans le mode de domination des puissances coloniales européennes. 

Au travers de plusieurs exemples, les autrices illustrent le fait que les processus de construction des majorités blanches en Europe et aux États-Unis sont à considérer, en fonction d’un contexte, en termes de rapports sociaux, de pouvoir. Ainsi, dans l’histoire de la conquête de l’Amérique du Nord, la catégorie des IrlandaisEs devient-elle blanche après ne l’avoir pas été... et les SyrienNEs finissent par être admis dans cette catégorie car n’étant pas noirs...

Alors, quid du privilège blanc ? La notion est très controversée, notamment en France, où la gauche s’en défend sous couvert d’universalisme. Les autrices proposent alors une formulation éclairante qui dit que « toutes choses égales par ailleurs, les personnes blanches tirent un avantage de leur position, ce qui suppose que même lorsqu’ils ou elles sont dans une situation précaire, ils peuvent toujours imaginer qu’une personne non blanche dans la même situation s’en sortirait encore plus mal. »

Penser la domination

Pour autant, si elles la prennent pour utile, elles considèrent que la notion de privilège blanc est imparfaite, en étant statique — on en possède ou non — et citent de nombreuses critiques d’une notion qui s’avèrerait individualiste, libérale, et pour tout dire dépolitisante, risquant de pousser les personnes blanches à se livrer à une analyse nombriliste d’avantages desquels se défaire, à titre individuel, souvent de façon moraliste, sans aller au fond d’une démarche antiraciste qui serait d’une autre nature. 

Il s’agirait alors de penser la domination blanche en termes de pouvoir, de dévoiler les structures de cette domination, en liant l’analyse aux structures de l’exploitation capitaliste et aux mécanismes de la domination patriarcale. Un passage utile par Bourdieu, au travers de la notion d’habitus, nous dit l’ancrage profond de la domination blanche, du racisme, collectivement au sein de nos sociétés, et individuellement au fond de chacun d’entre nous. 

Pour s’en prendre à la suprématie blanche, en tant que blanc, les autrices estiment que « les actions individuelles et collectives ne sont absolument (pas) condamnées à l’exclusion mutuelle », et qu’il est possible, à la fois, de « se joindre aux manifestations antiracistes et de s’interroger sur ses propres stéréotypes et préjugés. » 

Vincent Gibelin