Luke, Jive, 2015, CD 14 euros / MP3 11 euros
«Du rock’n’roll, j’veux qu’ça cogne ! » (Rock’n’roll) Et en effet ça cogne dans ce cinquième album de Luke, groupe bordelais. L’album Pornographie dissèque avec précision l’obscénité de notre époque : la toute-puissance du libéralisme qui nous dévore, la société décérébrée par les paillettes et les médias, tirée vers le bas dans « la France des librairies qui ferment et des parkings qui ouvrent » (Quelque part en France), le cynisme des sphères dirigeantes, l’aliénation orchestrée, les politiques mollasses et vendues qui « ont assassiné les utopistes et ont enfanté une bombe » (Warrior).
Luke enrage et s’engage contre la France où « l’amour est dans le pré et la haine dans les urnes », une France gangrenée et apeurée où prospère le FN : parti des oubliés et « de ceux qui s’emmerdent » (Quelque part en France). Même si le bilan est effroyable et sans appel : « Nous mourrons à petit feu d’indifférence... Rêver tue, comme ce soldat inconnu mille fois mort pour rien mais d’espérance » (Rêver tue), ce n’est pas un album du renoncement ni du désespoir et encore moins du cynisme. Il y aussi des parenthèses mélodiques plus apaisées qui chantent la reconstruction possible, « de faire de l’espoir calciné le plus beau champ de blé, vivre... car partout il faudra recommencer »(Indignés).
Un album où les guitares crachent, tantôt riffs métalleux décapants, tantôt sons funky pour accompagner l’hystérie décadente des dance floor où « on danse avec l’énergie du désespoir » (Discothèques). On pense à Noir Désir et à Saez pour le brûlot enragé contre un monde devenu dingue et monstrueux, mais surtout on savoure les paroles ciselées et les bulles de poésie de Pornographie.
Sylvie F.