Au MASC (Musée de l’Abbaye de Sainte-Croix), Les Sables d’Olonne, jusqu’au 13 janvier 2019.
Otto Dix (1891-1969), peintre et graveur allemand inclassable, comme son ami George Grosz, a subi les influences du moment sans que les étiquettes du dadaïsme, de l’expressionnisme, puis de la nouvelle objectivité ne collent totalement à son œuvre qui décrit sans concession la société, à une époque brutale entre les deux guerres, de la première où il s’est engagé volontaire et qu’il a peinte avec un vérisme macabre jusqu’au nazisme et « l’Art dégénéré » où il a figuré en bonne place.
Gravures sur bois, eaux-fortes et lithographies
On connaît les grandes toiles colorées à l’expressionnisme exacerbé teinté d’ironie, à la limite de la caricature, d’Otto Dix, ses triptyques sur la guerre, ses scènes d’agitation urbaine et de bordels glauques qui ont fait scandale, soit pour antimilitarisme et défaut de sentiment national pour avoir plus montré les horreurs de la guerre que les actes héroïques, soit pour pornographie avec la représentation explicite des organes sexuels, de l’acte sexuel et du tabou de la déchéance corporelle.
On connaît moins les estampes, comme celles provenant du Zeppelin Museum de Friedrichhafen, belle exposition à voir actuellement au MASC : gravures sur bois, eaux-fortes et lithographies, technique qui permet à Dix de s’exprimer de manière plus forte plus pénétrante, de l’expressivité brutale du noir et blanc de la taille sur bois au vérisme de la putréfaction que permettent les nuances de l’eau-forte.
Les thèmes de prédilection de sa peinture et ses estampes sont d’une apparente diversité : la Guerre, la Ville, les Portraits, les Femmes, la Religion… Mais entre Eros et Thanatos c’est l’humanité et sa réalité qui revient obstinément dans l’œuvre, dans toute sa crudité, son excès, parfois sa cruauté ou sa laideur. Témoin et critique virulent de son temps, Dix va jusqu’à nommer l’innommable.
La Guerre, la Ville, les Portraits…
La Guerre (Der Krieg), série de 1924, ou l’horreur de la guerre, la mort, d’une surréalité insoutenable issue de sa propre expérience et d’une documentation rigoureuse, équilibre entre la vie et la mort d’un cirque macabre, d’une violence qui évoque les Désastres de la guerre de Goya.
La Ville, son bruit et sa fureur, ses bars et ses bordels, reflet de la société à l’équilibre périlleux entre ses personnages en marge, invalides de guerre dans la misère, et ses nantis profiteurs du régime.
Les Portraits, acérés, sans concession, proches de la caricature y compris dans ses sévères Autoportraits, qui dépeignent tant l’individu que le type social de l’entre-deux guerres.
Les Femmes, dont Otto Dix montre tout, crument : la chair et sa perversion, la sensualité et la déchéance physique, la vieillesse dans Jeune fille devant le miroir, la dame provocante et la prostituée, jusqu’au Crime sadique.
Enfin, dans l’Évangile selon Saint Matthieu, série de lithographies datant de 1960, Otto Dix, apaisé, montre un Christ homme de chair et sensuel dans le Christ aux outrages, où Hitler apparait étonnamment dans un monde moderne.
Une magnifique occasion de (re ?)découvrir le MASC qui nous a habitués à montrer des figures majeures de l’art moderne et contemporain (Georg Baselitz, Max Beckmann, Emil Nolde, etc. ) et présente en permanence un ensemble exceptionnel d’œuvres de Gaston Chaissac et de Victor Brauner.
Ugo Clerico