Film américain de Matthew Porterfield (2018).
On se dit d’abord que cette histoire a été tournée au moins cinquante fois : un jeune sort de prison, retourne habiter chez son père qui ne le comprend pas et, après une période sous bracelet électronique, se retrouve en liberté et exposé à tous les risques.
Sauf que ça se passe à Baltimore, ville dont le centre s’est vidé depuis les années 1970 et qui est peuplée à plus de 60 % d’Afro-américainEs. En 2015, la ville a été le théâtre de manifestations réclamant justice pour Freddie Gray, tué lors d’une interpellation policière. Une série à succès, The Wire, a décrit les ghettos de la ville. Mais ce n’est pas le sujet du film : Porterfield s’intéresse ici plutôt à ceux qui sont parfois désignés aux USA comme les « white trash » (littéralement déchets blancs), pauvres et marginaux.
« White trash »
Keith est blanc. Il suit sans conviction une formation pour installer des appareils d’air conditionné. Il essaie de renouer avec ses ex-petites amies et ses copains, souvent noirs, mais c’est difficile et il se retrouve vite dans une embrouille avec un autre blanc particulièrement excité et violent. Il est aussi poursuivi par d’ex-compagnons de prison liés à une organisation suprémaciste blanche : ils l’ont aidé et veulent qu’il les rejoigne, mais lui aimerait qu’on le laisse tranquille. Sur les épaules d’une des frappes suprémacistes, ce tatouage qui donne tout de suite l’ambiance : 14 88. Le 88, bien connu, renvoie à « Heil Hitler » (le H est la huitième lettre de l’alphabet), et le 14 fait référence à un slogan de 14 mots forgé par un raciste terroriste américain.
Peu à peu, tout va se déglinguer pour Keith, alors qu’il souffre de décevoir ceux qui continuent de l’aimer et de l’aider… Sans vouloir tomber dans un marxisme quelque peu primaire, une des clés de ce destin est sans doute fournie par une partie de cartes avec son père et des amis de celui-ci : un d’entre eux rappelle l’heureux temps où travailler à la Bethlehem Steel était une telle garantie que l’on obtenait immédiatement un crédit pour acheter une voiture.
C’est le quatrième long métrage de Matthew Porterfield qui, à l’écart des grands studios, filme sa ville et ses maux. Le côté documentaire du film peut parfois lasser : certaines des péripéties sont prévisibles. Mais, au total, il mérite d’être vu.
Henri Wilno