Film français, 1 h 42 minutes, sorti le 20 novembre.
Primé au festival de Cannes en mai dernier, sorti au cinéma il y a près de deux mois, il était temps de parler de ce film très touchant et très puissant.
À l’origine, en 2016, il y a déjà eu un court métrage, du même nom, du même réalisateur, primé lui aussi au festival du court métrage de Clermont-Ferrand, sur la même idée. Trois policiers de la BAC font leur tournée dans la cité des Bosquets à Montfermeil (93). Parmi eux, une jeune recrue qui vient d’arriver dans la brigade, c’est son premier jour et il en découvre les mœurs spéciales. On comprend de suite que la police fait ce qu’elle veut ou quasiment, que ces policiers se croient tout permis. Leur chef le dit bien : « La loi ici c’est moi ».
On voit aussi le désœuvrement de la cité, la pauvreté, la drogue et son trafic, une population issue de l’immigration, surtout des jeunes, des très jeunes même qui se retrouvent, qui vivent au pied des immeubles.
Mécanisme répressif
L’histoire part donc de cette virée de policiers qui circulent, en voiture, qui cherchent l’occasion, leur proie pour contrôler. Et la « bavure » arrive. Pas dans le sens « accident » ou « erreur » ou « pas de bol » mais clairement dans la suite logique de ces comportements de harcèlement, d’un mécanisme répressif terrible.
Il n’y a pas de représentants officiels du pouvoir, seulement ces trois policiers de la BAC qui se la jouent « cowboy », qui font la loi, parce que ce droit leur a été donné. Ils sont montrés comme étant responsables de leurs actes, terrifiants et en même temps comme piégés dans leur rôle, victimes aussi d’une situation qu’ils ne maitrisent pas.
Il se trouve que cette « bavure » est filmée, c’est le hasard, par un jeune qui fait voler son drone. Les policiers s’en aperçoivent. Là commence alors (continue) une chasse à l’homme pour effacer le témoignage gênant. Les policiers cherchent des informations et des appuis du côté des chefs de bandes, des trafiquants de drogue, des religieux pour régler leur problème.
Quotidien des populations dans les quartiers populaires
C’est incroyablement prenant, très fort émotionnellement, ça en devient physique pour nous qui sommes pourtant assis dans la salle. On est à fond avec les jeunes, les très jeunes aussi, qui fuient, se débrouillent et se défendent comme ils peuvent. On est avec les parents, les mères de famille, qui vivent et font face aux nombreuses difficultés, avec les moyens du bord.
Ce film, comme le court métrage auparavant, fait terriblement écho à l’actualité. Les violences policières contre le mouvement social font des ravages depuis le début du mouvement des Gilets jaunes, même si elles avaient commencé lors du mouvement contre la loi travail et dans les ZAD comme à NDDL ou à Sivens.
Mais on sait que ces violences sont le quotidien des populations dans les quartiers populaires, dans les cités ravagées par le chômage. On comprend ou on imagine bien que la BAC a passé des années à se former, à perfectionner la politique répressive de l’État dans ces cités, contre les jeunes d’origine immigrée traités comme de la « racaille », comme des moins que rien.
Le film fait référence à nombre de ces « bavures », il rend certainement hommage à tous ces jeunes violentés et tués par la police, toutes ces années passées. Le réalisateur semble avoir fait ce film aussi pour témoigner, pour décrire et expliquer. Le résultat est impressionnant, formidable et tout sauf pessimiste car il y a malgré tout une belle lueur d’espoir.
Béatrice Walylo et Philippe Poutou