Publié le Mardi 12 novembre 2019 à 10h24.

Marseille : McDo en pleine indigestion sociale

Le McDonald’s de Saint-Barthélemy dans les Quartiers Nord de Marseille est un peu particulier, un « village gaulois » d’après les salariéEs eux-mêmes : l’un des rares lieux de vie pour le quartier de longue date, mais aussi de luttes, depuis une quinzaine d’années, un lieu de résistance à la machine capitaliste de la restauration rapide.

Fruits de leurs luttes, les salariéEs ont obtenu un treizième mois, davantage de contrats à temps plein, une mutuelle digne… Si la chose est rare pour la compagnie, cela représentait également une bouffée d’oxygène, un espoir pour la jeunesse de ces quartiers qui subissent de plein fouet le chômage et la précarité 

Répression et intimidations

Mais ces acquis sociaux sont dans le viseur de la maison mère, McDo France, et de son franchisé marseillais. À l’été 2018, la direction a essayé de déguiser un plan social en présentant un repreneur bidon ne jurant que par la « restauration ethnique » halal asiatique. Dévoilant la supercherie, les salariéEs du Mcdo de Saint-Barthélemy ont remporté une première victoire en justice.En parallèle, les intimidations, agressions, chantages et tentatives de corruption, ou encore les incessants remplacements des équipes (sans parler du mépris au quotidien) ont été les méthodes de la direction. Des méthodes de voyous pour isoler les grévistes et leur noyau dur. Parmi eux, Kamel, délégué syndical, menacé de licenciement avec six autres de ses collègues depuis l’été 2019 pour motif économique. En septembre dernier, l’inspection du travail a refusé ce licenciement en démontrant la fausseté de ce motif. Durant, Kamel a fait une nouvelle fois l’objet d’une grave agression : une voiture a foncé sur lui, il a pu l’éviter au dernier moment. Une plainte a été déposée.

Menace de fermeture

Si la direction n’a pas pu obtenir le départ de Kamel et n’a pas pu s’en débarrasser en le licenciant, elle a choisi de fermer le restaurant. En octobre, une procédure de « sauvegarde » a été ouverte, préalable à la fermeture du restaurant. L’audience a très mal commencé pour les salariéEs puisque le vice-procureur de la République a interdit l’accès au tribunal aux délégués syndicaux pourtant convoqués et leur a réservé un accueil par la police en tenue anti-émeute. Le même vice-procureur qui a envoyé la police contre les femmes de ménage en lutte du NH Hotel à Marseille l’été dernier ; le même aussi qui était présent au côté de la police lors de la mort de Zineb Redouane. Au moins, ce magistrat ne s’embarrasse pas d’ambiguïté… La présence de soutiens et de la presse a néanmoins permis aux salariés déterminés de ne pas céder et d’entrer.

Les salariéEs attendent également les résultats de la procédure ouverte au tribunal d’instance, qui vise à reconnaître l’unité économique et sociale entre les différents restaurants du franchisé, ce qui rendrait de fait la procédure de « sauvegarde » caduque. 

Détermination des salariéEs

Pour Kamel, « malgré leurs publicités et leurs sandwichs bio, Mc Do n’a pas la fibre humaine », ajoutant qu’il faut que McDo « arrête de profiter des misères et des difficultés qu’on [les salariés] rencontre. Aujourd’hui, ils nous salissent et nous pointent du doigt, alors que nous, on demande le respect de la dignité élémentaire du droit, et de ce qu’on sait faire, travailler ». Ces nombreux rendez-vous juridiques, l’attente, tout cela pèse sans pour autant entacher la détermination des salariéEs, qui surpasse la peur, la boule au ventre comme a pu en témoigner un des salariéEs du restaurant. Les enregistrements téléphoniques révélés par les salariéEs, qui montrent les tentatives de corruption et de subornation de syndicalistes, ainsi que l’acharnement contre Kamel, ont abouti à une convocation pour cyber-harcèlement et diffamation contre… les salariéEs. La plainte pour tentative d’homicide ne semble pas être traitéeavec la rapidité qui s’impose. Symbole d’une justice à deux vitesses, de la justice bourgeoise incarnée par le zélé vice-procureur. Pourtant, au vu du dossier, les salariéEs devraient gagner en justice sans aucune difficulté. 

La direction ment

Et orsqu’elle se prononce, la Justice le fait en faveur des salariéEs. Elle a ainsi retoqué le prétendu plan de transformation du McDo à l’été 2018. En septembre 2019, l’inspection du travail a refusé le licenciement économique de Kamel. D’après le rapport de l’inspecteur, le patron de la franchise reconnaît, sans explication, avoir refusé de développer le Mc Do en ouvrant une deuxième ligne de drive et avoir refusé de développer la livraison à domicile qui permet pourtant d’augmenter le chiffre d’affaire de près de 30%. Enfin, la direction n’a pas investi pour moderniser les équipements. Pourtant le potentiel est certain : Mc Do veut construire un restaurant pour 20 000 habitantEs, alors qu’il y en a 150 000 dans les 13e et 14e arrondissements de Marseille, pour ce seul restaurant. Les difficultés évoquées pour justifier la procédure de sauvegarde sont en réalité mensongères. Mc Do France et le franchisé utilisent cette procédure pour liquider ce lieu de résistance, animé par ces salariéEs, qui ont souvent combattu pour leur situation, pour celle des autres, « pour l’honneur des travailleurEs et pour un monde meilleur ». Le 13 novembre prochain, le tribunal de Commerce fera le bilan de la procédure de sauvegarde, et surtout le 27 novembre le tribunal d’Instance rendra son verdict sur l’unité économique et sociale des Mc Do.

CorrespondantEs