Publié le Mercredi 6 décembre 2017 à 21h23.

Des droits civiques à l’affirmation de soi

Dans les années 1950, le mouvement des droits civiques embrasa le sud des États-Unis. La vie sociale y était alors dominée par la ségrégation, la séparation des Blancs et des Noirs. 

Concrètement, la ségrégation se manifestait par tout un attirail de lois racistes interdisant aux NoirEs de s’installer dans un quartier blanc, de fréquenter une école blanche, même de s’asseoir à côté des Blancs dans un bus. Les NoirEs étaient des citoyens de seconde zone n’ayant accès qu’à des équipements inférieurs. La ségrégation avait été mise en place après la fin de l’esclavage afin de faire comprendre aux Noirs leur place subalterne. Cependant, quelque chose changea dans la conscience des Noirs après la Seconde Guerre mondiale. Leurs aspirations évoluèrent. Pendant la guerre, des centaines de milliers de Noirs se retrouvèrent sous les drapeaux, et de retour au foyer, ils furent d’autant moins enclins à supporter davantage de vexations, à l’instar de beaucoup de vétérans. Enfin, les révoltes anticoloniales, de l’Afrique à l’Asie, montrèrent qu’il était possible de se libérer du joug des Blancs. En 1954, la décision de la Cour suprême des États-Unis Brown vs. Board of Education déclara illégale la ségrégation scolaire et stimula la faim d’égalité des Noirs. La lutte la plus emblématique eut lieu en décembre 1955 à Mont­gomery (Alabama) : le refus de Rosa Parks de laisser son siège à un passager blanc dans la partie qui leur était réservée provoqua son arrestation et entraîna un boycott des bus par la communauté noire, qui dura plus d’un an, acquit une audience nationale et fit de Martin Luther King une figure du mouvement. En 1964 l’Equal Rights Act et en 1965 le Voting Rights Act mettent fin légalement à la ségrégation et garantissent aux Noirs le droit de vote dans le sud. 

De la loi à la réalité....

Alors qu’avant la Première Guerre mondiale la population noire était principalement rurale et concentrée dans le Sud, les besoins de l’industrie, notamment l’industrie de guerre, avaient nécessité une nouvelle main-d’œuvre : les Noirs avaient alors migré vers les villes du Nord, et ce phénomène s’accentua pendant la Seconde Guerre. Les Noirs y étaient parqués dans des ghettos avec des conditions de vies bien inférieures à celles des Blancs en matière de logement, d’éducation, de santé, etc. Et si la machine politique étatsunienne avait été forcée par le mouvement de masse à reconnaître le caractère inhumain de la ségrégation dans le Sud, l’hypocrisie était de mise concernant la misère des ghettos, surtout chez les Démocrates qui essayaient de faire oublier leur soutien passé à la ségrégation dans le Sud et essayaient de récupérer les voix des noirEs au nord. Le leader noir Malcolm X disait ironiquement préférer les Démocrates du Sud, ouvertement racistes, aux hypocrites Démocrates du nord qui disaient être opposé à la ségrégation mais qui refusaient la fin de la ségrégation de fait dans le Nord.

Briser les liens de l’oppression

Les manifestations de mécontentement des noirEs prirent au nord la forme d’émeutes. Le maillage organisationnel du Nord était beaucoup plus lâche que dans le Sud où existaient de nombreuses églises qui avaient été le fer de lance et le gros des troupes de Martin Luther King. Les émeutes sont également un des signes d’une rébellion urbaine, différente du Sud rural. On a beaucoup opposé à l’époque le caractère pacifique du mouvement des droits civiques au côté violent des émeutes. C’est méconnaître la nature réelle du mouvement des droits civiques où coexistaient des pratiques de non-violence active (se mettre volontairement sous le feu de l’ennemi pour montrer sa supériorité morale) et des pratiques d’autodéfense comme à Monroe en Caroline du Nord avec Robert F. Williams et de nombreux autres exemples. Les émeutes de 1967 sont un des signes de la radicalisation de la jeunesse noire des grandes villes du nord. La Ligue des travailleurs Noirs révolutionnaires et le Black Panther Party naquirent à la fin des années 1960.

 

Dossier réalisé par Stan Miller et Yvan Lemaître