Publié le Samedi 13 novembre 2021 à 16h13.

En mémoire de deux trotskistes fusillés et niés, Pierre Guéguen et Marc Bourhis

Le 22 octobre 1941, il était 15h50, 16 heures et 16 heures 10 et vous tombiez sous les balles des barbares nazis. Il y a donc 80 ans. Le 20 octobre 1941 le FeldKomandant Karl Holtz était abattu par trois résistants communistes et, en représailles, l’occupant faisait fusiller quarante-huit otages parmi lesquels 27 prisonniers du camp de Choisel, à Châteaubriant.

Vous avez été désignés parce que vous étiez des travailleurs, des syndicalistes ou des communistes et souvent les trois en même temps. Le plus jeune, Guy Moquet, avait 17 ans.

80 ans, c’est long et si nous n’y prenons garde le temps effacera votre souvenir. La bête fasciste, jusque-là contenue aux marges, réapparaît de plus en plus fort. « Le ventre est encore fécond d’où a surgi la bête immonde » disait Bertolt Brecht. Partout dans le monde le fascisme montre le bout de son museau à nouveau.

Parmi les vingt-sept fusillés, il y avait deux camarades de la Quatrième internationale, Pierre Guéguin et Marc Bourhis. Pierre Guéguin était l’aîné. Ce n’était pas la même génération, Pierre Guéguin est né en 1896, il a été engagé dans la première Guerre mondiale dès 1916 et ensuite a été nommé instituteur. Il s’est engagé au Parti communiste dès 1901, il a milité syndicalement à la Fédération unitaire de l’enseignement, alors liée à la CGT-U et c’est alors qu’il a rencontré et côtoyé Marc Bourhis, qui était simplement le fils de ses voisins.

Pierre Guéguin a convaincu Marc de le rejoindre au Parti communiste en 1930. Mais, en désaccord avec l’évolution politique de l’Union soviétique et avec le cours suivis par le PC, Marc Bourhis quitte ce parti en 1933, l’année où Hitler prend le pouvoir, il s’abonne alors au journal trotskiste La Vérité et devient militant du Parti ouvrier internationaliste dès 1936. En 1940 il est démobilisé et reprend contact avec Pierre Guéguin, qui lui est resté au Parti communiste mais a rompu publiquement dès la signature du pacte germano-soviétique en août 39.

Deux militants internationalistes

Pierre Guéguin était une pointure du Parti communiste local, il était élu à différentes élections, il était maire de Concarneau, il a été Conseiller général. Dès les années 30, il a été très critique vis-à-vis du cours du PC mais il a été toléré à l’intérieur du fait de sa popularité. Dès 1933, il alerte sur la montée du fascisme et fait référence à Trotski dans un de ses écrits. Il a aussi signé avec plusieurs de ses camarades du Finistère une lettre demandant la réintégration des camarades de l’opposition de gauche exclus du Parti communiste.

Pierre et Marc se côtoient beaucoup et quand Marc est démobilisé, ils improvisent un meeting dans un café de la poigne de la Pointe de Trévignon où ils font savoir publiquement leurs opinions et leur satisfaction de voir l’Urss dans le camp des Alliés. Mais à la suite d’une dénonciation, ils sont arrêtés par la gendarmerie comme agitateurs et internés au camp de Choisel à Châteaubriant avec d’autres, avec les 25 autres camarades communistes. Mais dans ce camp, l’ambiance n’était pas forcément très bonne puisque le « trotskiste Bourhis » et le « renégat Guéguin » furent calomniés et mis en quarantaine.

Ils ont été désignés comme otages et sont tombés sous les balles nazies l’après-midi du 22 octobre à la carrière de la sablière à Châteaubriant.

Face aux staliniens

Marc Bourhis était militant de la Quatrième internationale, militant trotskiste. En 1945 sa famille fit d’ailleurs graver sur sa tombe « militant du Parti communiste internationaliste ». La femme de Pierre Guéguin raconte qu’il a laissé une lettre en disant que puisqu’il était toujours communiste est bien loin des reniements et de la politique erratique du Parti communiste, il rejoignait la Quatrième internationale. Lors d’un meeting en 1945, la veuve de Pierre Guéguin a participé à un meeting avec Yvan Crépeau, militant de la Quatrième internationale. Pendant plusieurs années, le Parti communiste local a mis de côté Guéguin et Bourhis dans leurs hommages avant de les annexer et de les récupérer en prétendant qu’ils faisaient partie des vingt-sept communistes staliniens fusillés. On retrouve le cours sectaire du Parti communiste et les dégâts qu’il a engendré à de nombreuses occasions notamment pendant la guerre d’Espagne, on voit aussi la politique sectaire d’un Parti communiste qui ne voit pas de salut en dehors des intérêts de son appareil.

L’internationalisme est à notre avis la seule réponse qui fera reculer et battre le fascisme.

À l’occasion de cet anniversaire, les camarades de la IVe Internationale de la région ont édité un « 4 pages » pour raconter l’histoire de Bourhis et Guéguin, qui a été accepté dans le cadre de la commémoration. Après, tout ce temps, il y a finalement une reconnaissance mais les familles, les veuves, ont dû se battre pour réaffirmer les convictions de Marc et Pierre.

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