Publié le Dimanche 5 juin 2011 à 15h14.

G20 « social », mensonge du capital

Le 12 avril dernier, Sarkozy confiait une mission à Gilles de Robien, délégué gouvernemental au Conseil d’administration du Bureau international du travail (BIT), sur le « volet social du G20 » afin que celui-ci « reconnaisse désormais l’importance qui s’attache aux politiques d’emploi, à une protection sociale adéquate ainsi qu’au respect des droits fondamentaux au travail »1. En 2009, à Pittsburgh, le G20 avait déjà affirmé son engagement pour « le renforcement de la dimension sociale de la mondialisation ». Une première réunion des ministres du Travail et de l’Emploi du groupe des pays riches et émergents du G20 (le « G20 social ») avait eu lieu en avril 2010 à Washington. Ses objectifs affichés étaient de « renforcer les systèmes de protection sociale et promouvoir des politiques actives d’intégration au marché du travail », de « mettre l’emploi et le combat contre la pauvreté au cœur des stratégies économiques nationales et mondiales ». Par la voix de son ministre du Travail de l’époque, Éric Woerth, la France y défendit « l’amélioration de la qualité des emplois et de la protection sociale », tout un programme à la veille de la contre-réforme des retraites2 ! Les discussions de Washington n’eurent évidement aucune suite.

Pour l’édition 2011, les quatre priorités de la présidence française du G8-G20 retenues au titre du volet social sont: l’emploi ; un « socle de protection sociale » visant à « assurer aux citoyens des transferts sociaux de base pour leur fournir des moyens de subsistance et de financement de l’accès aux services essentiels » ; les droits fondamentaux au travail (travail décent) en confirmant l’engagement des pays du G20 à ce que « la violation des droits fondamentaux ne saurait être invoquée, ni utilisée en tant qu’avantage comparatif légitime » ; et enfin la « cohérence de la gouvernance économique mondiale »3. La présidence française veut organiser une conférence associant les chefs des grandes agences internationales (FMI, BIT, Banque mondiale, OMC, OCDE, PNUD), les ministres du G20 et les partenaires sociaux et une nouvelle réunion des ministres du Travail et de l’Emploi fin septembre. En juin 2007, dans l’agenda du G8 officiel à Heiligendamm, en Allemagne, il y avait le développement... de l’Afrique ! À côté du soi-disant G20 social, il y a aussi le B20, le sommet... des « gens d’affaires » du G20, réuni pour la première fois en juin 2010 et promis à un grand avenir.

Les réunions se succèdent, les mensonges aussi

Depuis sa création, le G8 s’est imposé comme un gouvernement mondial qui émet des recommandations sur de nombreux sujets, souvent suivies d’effets grâce à ses relais dans les organisations internationales – Banque mondiale, Fonds monétaire international (FMI), Organisation mondiale du commerce (OMC)    –, sans que les chefs d’État qui y sont présents aient le moindre mandat démocratique pour décider de l’avenir de la planète. À partir des années 1980, la déréglementation des marchés, la libre circulation des capitaux financiers et l’intensification de la concurrence au niveau mondial mises en œuvre par les gouvernements du G8 ont mis brutalement en concurrence les travailleurs et les systèmes de protection sociale. Au nom de la compétitivité, des normes de rendement de 15 % des capitaux ont pu être imposées. La course à la rentabilité financière a entraîné le développement du capital financier sous forme de dettes bien supérieures aux richesses réellement produites, situation à l’origine du krach de 2008. Le G8 a également imposé la mise à sac des pays du Sud par ses responsabilités dans la crise de la dette : les plans d’ajustement structurel ont transformé ces États, via les institutions financières internationales (Banque mondiale, FMI), en hard-discount pour multinationales.

Le FMI a eu un temps du plomb dans l’aile. Les réformes néolibérales et les plans d’ajustement structurel étaient censés apporter davantage de croissance et donc des retombées positives pour chacun – même inégalement réparties. C’est l’inverse qui s’est produit. Le krach financier et la crise bancaire de 2008 ont pourtant été l’occasion pour le G8 et le G20 de remettre en selle le FMI et les vieilles recettes néolibérales.

En 2009, le monde a connu la plus grave récession depuis les années 1930, qui s’est traduite par une hausse brutale du chômage et, dans de nombreux pays, par une baisse des salaires réels. Les sauvetages financiers ont accéléré la hausse de l’endettement public. Dans cette période, l’intervention publique s’est effectuée à une échelle inédite – mobilisant des sommes de l’ordre de 10 % du PIB des pays du G8 et de bien plus encore en Chine. Pour préserver les intérêts capitalistes du secteur financier, les gouvernements, si généreux hier avec les banques, imposent aujourd’hui aux populations une féroce politique d’austérité au nom de son remboursement. Ceux-là mêmes qui, depuis les années 1980 ont dû travailler de plus en plus dur, supporter la précarité, les licenciements, l’asphyxie des services publics et des systèmes de protection sociale, le chômage et les fermetures d’entreprises, sont les premiers attaqués.

Moins d’un an plus tard, des attaques spéculatives ont été lancées contre la dette de plusieurs pays européens. Il s’agit de faire payer cash aux populations – par des cures d’austérité drastiques – les sommes engagées quelques mois plus tôt pour sauver le système financier. Les gouvernements ont soumis les finances publiques aux diktats des banques, des fonds d’investissements et des agences de notation. L’essentiel de la dette est détenu par des banques et fonds d’investissement. Ce sont « les marchés » qui dictent les plans d’austérité contre les peuples : « garder sa notation » tient lieu de boussole aux gouvernements.

À la suite du plan décidé en mai 2010 par l’UE et le Fonds monétaire international (FMI) contre le peuple grec, l’ensemble des États européens a engagé des plans d’austérité contre les salariéEs, les retraitéEs et la jeunesse : réduction du nombre de fonctionnaires et d’agents de l’État, de personnels dans la santé, l’éducation ; fermetures d’hôpitaux, réforme des retraites ; réduction des aides au logement et des allocations pour les personnes handicapées… Autant de mesures qui ne sont que les premières d’une vague sans précédent de baisse des revenus et de dépossession de nos droits. La généralisation de ces plans de réduction des dépenses publiques, la destruction des droits sociaux et la baisse des salaires alimentent la crise. Récession, augmentation du chômage et explosion de la dette publique s’auto-alimentent. Un cercle vicieux que seule l’irruption du mouvement social peut parvenir à briser !

Guillaume Floris

1. Dépêche AFP du 09/04/2011

2. « Le premier G20 social donne une liste de bonnes intentions pour l’emploi », in Le Point.fr, 22/04/2010, http://www.lepoint.fr/bo…

  1. « Les priorités de la France », in G20-G8 France 2011 (site officiel de la présidence française), http://www.g20-g8.com/g8-g20/g20/francais/les-priorites-de-la-france/les-priorites-de-la-presidence-francaise/fiches/emploi-et-dimension-sociale-de-la-mondialisation.934.html