Publié le Mardi 4 octobre 2016 à 08h09.

Jill Stein, nouveau général de l’armée de Sanders

Trois jours durant, les soldats blessés et défaits de l’armée de Bernie Sanders, fatigués et déçus mais toujours remplis d’idéaux et d’espoir, ont manifesté aux abords du centre des congrès de Philadelphia, tandis qu’à l’intérieur, de nombreux délégués de Sanders huaient Hillary Clinton chaque fois que son nom était prononcé…1

Bien qu’ils aient perdu une bataille dans leur combat pour une révolution politique, les soldats de Sanders pensaient, espéraient, rêvaient qu’ils pouvaient encore remporter la guerre. A l’intérieur de la convention, le parti faisait pression pour qu’ils retournent leur veste, tandis qu’à l’extérieur ils étaient largement ignorés par les médias […]

Des femmes telles que Deb et Dana, rencontrées dans un tram, étaient venues d’aussi loin que l’Etat de Washington [nord de la côte pacifique], simplement pour protester contre le traitement réservé à leur candidat, leur héros. La divulgation par Wikileaks des mails de la présidente du parti, Debbie Wasserman Schultz, prouvant qu’elle avait œuvré au sabotage de la campagne de Sanders, confirmait leurs suspicions et les rendait furieuses.

Deux jeunes hommes du Texas m’ont dit qu’ils ne voteraient en aucun cas pour Hillary Clinton, qui représente tout ce qu’ils détestent dans le Parti démocrate. Des milliers d’autres, s’identifiant avec Occupy, le mouvement environnemental et Black Lives Matter, ont participé à une série de manifestations sous une température de 35°C.  Après la dispersion, ils se répandaient dans le centre-ville, comme de petites bandes de maraudeurs mettant en joue les troupes de Clinton. Ils avaient fait de Sanders leur champion, et pour certains celui-ci l’était encore, mais ils ne le suivraient pas dans son ralliement à Hillary. Leur exiger cela était comme demander à un soldat de l’Union de revêtir l’uniforme de la Confédération : cela violait à la fois leur sens de la loyauté à une cause et leurs idéaux. Même si le général était rentré à la maison, son armée continuerait à marcher. Mais où irait-elle ?

Des rassemblements de gauche se sont efforcés de trouver une réponse. Des vétérans d’Occupy avaient convoqué une Convention du Peuple, mais seuls quelques centaines de personnes ont participé aux courtes réunions où, avec trop peu de temps pour une discussion adéquate, ils ont adopté des propositions d’amendements progressistes à la Constitution des Etats-Unis.

Plusieurs organisations socialistes s’étaient rassemblées pour créer une Convergence socialiste, qui a tenu pendant deux jours des ateliers intéressants sur des sujets tels que le féminisme et le racisme, auxquels ont participé pour l’essentiel des militants des groupes organisateurs. Les vétérans de l’armée idéaliste de Sanders ne se sont pas beaucoup montrés, dans aucun de ces deux rassemblements […].

Et soudain, le dernier soir de la Convergence socialiste, les choses ont changé. La salle s’est remplie avec l’arrivée de centaines de soldats de Sanders, dont deux douzaines de délégués à la convention démocrate […].

Lev Hirschhorn, un travailleur et militant de quartier de Philadelphie, partisan de Bernie, a été hué quand il a appelé à soutenir Hillary en tant que moindre mal et à mener un combat de longue haleine au sein du Parti démocrate. La foule n’était pas en attente de critiques, mais de dirigeant-e-s pour poursuivre la révolution politique – et elle en trouvé une.

La candidate à la présidence du Parti vert s’est levée pour prendre la parole, en déclarant « je trouve le bilan et la politique d’Hillary Clinton tous aussi atterrants que [les propositions de] Donald Trump ». La salle a explosé en applaudissements. « Je suis d’accord avec beaucoup d’entre vous, la plupart d’entre vous, l’intimidation ne devrait pas nous faire renoncer à nos positions. Nous pouvons changer le système électoral. Pourquoi resterions-nous enfermés dans un système qui nous fait voter contre ce dont nous avons peur, plutôt que pour ce en quoi nous croyons ? »

Dans l’un des discours les plus forts que je l’ai entendue prononcer, Jill Stein a appelé les participants à construire un mouvement politique indépendant et à le faire à travers sa campagne. Elle a ensuite présenté la plateforme de son parti, pas très différente de celle de Sanders. Les 700 personnes présentes au meeting l’ont ovationnée debout tout au long de son discours.

700, ce n’est certes pas énorme. Mais pensez aux 500 militants de Black Lives Matter qui se sont rendus à Ferguson, Missouri, en solidarité avec Michael Brown et sont ensuite rentrés dans leurs villes et localités pour construire le mouvement qui a mobilisé des centaines de milliers de participants.

L’armée de Bernie s’est remise en marche. Après avoir arraché des manches de son uniforme l’âne démocrate2, elle s’est trouvée un nouveau général : Jill Stein.

 

Dan La Botz

 

  • 1. Article publié le 28 juillet sur le site de la revue New Politics (http ://newpol.org/content/bernie’s-army-idealists-finds-new-general-jill-stein), sous le titre « L’armée des idéalistes de Bernie trouve en Jill Stein un nouveau général ».
  • 2. L’âne est l’emblème des Démocrates, tandis que l’éléphant est celui des Républicains.