Publié le Mardi 17 décembre 2024 à 17h00.

Nous sommes touTEs Luigi ?

Le 5 novembre à 6 heures du matin, le PDG de United Health Care, Brian Thompson était abattu à l’entrée de son hôtel. L’assassin s’était enfui sans laisser de trace autres que des mots gravés sur les douilles de ses balles : « Deny, defend, depose » qui est le titre d’un ouvrage critiquant la rapacité des compagnies d’assurances.

Le système de santé est mis en accusation depuis des décennies aux États-Unis, dans une des rares économies capitalistes occidentales où il est presque totalement privé (sauf un système fédéral pour les personnes les plus âgées). Et pour cause, c’est le pays pour lesquels le système de santé coûte le plus cher tout en étant le plus inefficace pour les assuréEs et très rentable pour ses actionnaires.

Une fortune fondée sur le non-remboursement

United Heatlh Care a augmenté ses bénéfices depuis 2021 passant de 10 milliards de dollars à 16 milliards de dollars en 2024. Brian Thompson était d’ailleurs l’artisan de cette augmentation record grâce à des techniques développées pour faire des refus de services à ses assuréEs et augmenter drastiquement la quantité de refus de remboursement.

Difficile d’avoir de l’empathie pour une personne qui avait fait sa fortune et celle de ses actionnaires sur le non-remboursement et donc sur la mort prématurée des dizaines de milliers de personnes pour refus de soins. Sa page LinkedIn était remplie de témoignages effroyables de personnes ruinées par la maladie ou ayant perdu des proches à la suite des politiques de cet individu.

Chasse à l’homme

Ce meurtre a déclenché une chasse à l’homme avec une prime de 50 000 dollars pour la capture du meurtrier. Les réseaux sociaux ont immédiatement pris la défense du fugitif tout en lançant un débat national sur la privatisation des soins de santé et sur les pratiques des grandes compagnies d’assurances. Plusieurs mesures de sécurité ont été mises en place pour protéger les dirigeants – notamment plusieurs compagnies ont supprimé les photos et les identités de leurs dirigeants de leur site web. Une autre compagnie d’assurances, Blue Cross/Blue Shield a annoncé abandonner sa nouvelle politique sur le non-remboursement des anesthésies passé une certaine durée.

Le 9 décembre, Luigi Mangione, le meurtrier présumé était arrêté, victime semble-t-il lui-même des méthodes de sa compagnie d’assurances, ce qui serait son mobile. Une vague de soutien concernant Luigi a déferlé aux États-Unis. Des dizaines de produits dérivés ont commencé à être commercialisés et des cagnottes de plusieurs dizaines de milliers de dollars ont vu le jour pour payer sa défense.

Brutalité du capitalisme

Le système capitaliste crée trois types de violence : la violence de l’exploitation, en l’occurrence ici de la non-prise en charge des soins de santé ; la réponse à cette violence, qui est celle des victimes de ce système et la troisième violence qui est celle de la répression. Ici, l’arrestation de Luigi mais aussi la pression sur les personnes qui ferait l’apologie de son acte que beaucoup de monde a minima comprend mais surtout soutient.

Dans nos sociétés où seule la classe dominante aurait le droit de se défendre, ce passage à la violence a visibilisé ce que le capitalisme tente de dissimuler au quotidien : sa brutalité. S’attaquer à un symbole de la violence d’un système social est alors perçu comme une défense de notre dignité, une forme d’autodéfense. C’est ce qui résonne auprès de toutes celleux qui ont parfaitement conscience du niveau de violence de l’industrie des assurances et explique ce niveau de tolérance d’un meurtre. Les soins de santé non remboursés ne sont qu’un des aspects abominables du système capitaliste faisant porter la responsabilité de la maladie sur le malade.

Ce fonctionnement doit cesser. Il faut aux États-Unis, comme en France, que les soins de santé soient gratuits, couverts par des prélèvements sur les bénéfices des entreprises et gérés par les assuréEs elleux-mêmes. Le profit sur la santé c’est un engrenage mortel. Aucune organisation – dont la nôtre – ne va appeler ni soutenir au meurtre de dirigeants de multinationales prédatrices mais nous ne verserons pas de larmes ! Il faut que la peur change de camp.

Édouard Soulier