L’assurance -chômage n’est pas issue directement de l’après-guerre, car au moment de la mise en place de la Sécurité sociale, la question de l’assurance-chômage avait été sortie des discussions. Officiellement le faible taux de chômage à l’époque ne semblait pas justifier la création d’un régime.
En 1958 a été créée l’Unedic – Union nationale pour l’emploi dans l’industrie et le commerce qui coordonnait les Assedic (association pour l’emploi dans l’industrie et le commerce) avec une gestion directement paritaire.
Cette création est le résultat d’une volonté politique qui délègue aux « partenaires sociaux » la gestion du régime, assis sur les cotisations et non plus sur le budget de l’État. Dès le départ, l’Unedic évolue dans un cadre très contraint puisque la convention doit être agrée par l’État, la loi imposant un équilibre financier.
En résumé, un système fondé sur la participation des patrons à la gestion, sur la division au sein des privés d’emploi entre ceux qui relèvent de l’assurance et ceux qui relèvent de l’assistance. La durée des versements était en effet limitée dans le temps et des conditions de durée d’activité préalable pouvaient éliminer nombre de chômeurs. Et enfin, cela se faisait sans la participation des chômeurs.
L’histoire du régime ne sera finalement que la traduction des tensions entre l’État et les « partenaires sociaux » pour fixer les règles et gérer le système. La dernière réforme en date (« transformation de l’assurance chômage » issue des décrets de juillet 2019) entérine une rupture importante.
La fusion ANPE-Assedic et ses conséquences
En 2008, la fusion décidée par Sarkozy achève le rapprochement entre ANPE et Unedic-Assedic et entraine l’explosion de la dette de l’Unedic, du fait de l’obligation qui lui est faite de financer Pôle emploi. À sa création, il avait en effet été décidé que l’Unedic contribuerait à hauteur de 10 % au moins de ses ressources (33 milliards d’euros) au budget de Pôle emploi, autrement dit que les cotisations sociales seraient affectées au financement du service public de l’emploi. C’est un véritable détournement des cotisations : le service public doit être financé par le budget de l’État. Entre 1990 et 2016 ce sont 28 milliards d’euros qui ont été versés, soit 3 milliards de plus que le déficit de l’époque.
En 2016, la Cour des comptes a enfoncé le clou : la dette de l’Unedic n’est plus soutenable et il faut s’attaquer au niveau d’indemnisation (par la convention 2017) et au financement de Pôle emploi. La dette de l’Unedic (37 milliards d’euros prévus fin 2018, 39 milliards en 2020) sert d’outil pour faire pression sur le niveau des allocations.
Outre le chômage de masse, les causes de la dette renvoient d’abord à un sous-financement organisé par le patronat qui refuse les majorations de cotisations : depuis 2003 les cotisations patronales n’ont pas augmenté. S’y ajoute le coût des contrats courts : entre 2000 et 2017, les contrats de moins d’un mois ont augmenté de 165 %, et de 600 % dans certains secteurs comme l’hébergement médico-social.
LA TRANSFORMATION DE L’ASSURANCE-CHÔMAGE
Les « négociations » sur l’assurance-chômage ont logiquement échoué, puisque les « partenaires sociaux » ne se sont pas mis d’accord dans le cadre contraint décidé par le gouvernement. Ce sont des décrets qui fixent les nouvelles règles.1
Il s’agit d’un changement majeur : la suppression des cotisations salariales (remplacées par la CSG) modifie la nature du financement du régime et a des conséquences sur sa gestion. Cette mesure a bien sûr été peu mise en avant mais pourtant c’est d’abord là que se situe la « transformation » en question.
En effet, les contributions des salariés relevant de l’impôt, c’est l’État qui dans le cadre de ses orientations budgétaires aura désormais la main sur les règles d’indemnisation. Premier aspect : il est décidé de porter de 10 % à 11 % du budget de l’Unedic la participation au financement de Pôle emploi.
PLUS DE 40 % DES CHOMEURS PENALISES…
Ce n’est pas nous qui le disons, mais l’Unedic elle-même dans un document présenté le 24 septembre ! La réforme s’applique dès le 1er novembre 2019 à avril 2020 mais les mesures les plus graves comme la modification des conditions d’ouverture de droit et de calcul des conditions du rechargement entrant en vigueur en premier.
Après les 800 millions d’économies suite à la convention 2017, ce sont 3,4 milliards d’euros d’économies qui vont être faites, dont 80 % seront réalisés sur le dos des chômeurs.
Pour y arriver plusieurs aspects vont changer. D’abord les règles d’accès à une indemnisation vont être revues de façon drastique. Alors qu’aujourd’hui il « suffit » de justifier d’une activité salariée de 4 mois au cours des 28 derniers mois (pour les moins de 53 ans), il faudra dès le 1er novembre prochain avoir travaillé 6 mois sur les 24 derniers mois. Cette seule mesure exclurait entre 250 000 et 300 000 personnes de l’Assurance chômage d’après les calculs réalisés par l’UNEDIC en début d’année. Il justifie son choix par une conjoncture plus favorable, des créations d’emploi en hausse et une baisse du chômage. Rappelons que sur les 5,6 millions d’inscrits à Pole emploi, seuls 42 % étaient indemnisés fin 2018, contre 54 % en 2003,
Autre point qui est passé plus inaperçu mais tout aussi grave car il va entrainer une baisse sensible de l’allocation mensuelle :
La révision des règles de calcul des indemnités chômage. Au lieu d’être calculées à partir des jours travaillés, elles le seront sur le revenu mensuel moyen du travail à partir d’avril 2020. Conséquence : quelqu’un qui aurait travaillé deux semaines dans le mois aboutit à une diminution de moitié de son allocation ! Alors que les gouvernements successifs n’avaient cessé d’encourager les contrats courts car « mieux vaut un contrat court que rien du tout », le discours actuel consiste à stigmatiser les chômeurs qui profiteraient du système en « optimisant » les règles de cumul activité-allocation. Dans un contexte de « chasse aux chômeurs », ces derniers se retrouveront dans la situation de devoir accepter n’importe quel emploi, dans n’importe quelles conditions, afin d’éviter les sévères sanctions définies par le gouvernement en décembre dernier. Le Ministère du Travail espère faire 690 millions d’économies d’ici à 2021 via ce nouveau mode de calcul.
Les droits rechargeables – créés en 2014 – sont également dans le collimateur du gouvernement. Ce principe permet à des chômeurs indemnisés, qui reprennent une activité durant leur période de chômage, de prolonger leurs droits lorsque ces derniers sont épuisés et ce, sous réserve qu’ils et elles justifient de 150 heures travaillées. « Le seuil minimum de rechargement sera ramené à 6 mois, au lieu d’un mois aujourd’hui ». Autant dire que ces droits rechargeables ne le seront plus puisque la durée de travail revient à celle permettant d’ouvrir des droits.
Le retour de la dégressivité. Le choix est fait de réintroduire le principe de dégressivité pour les 10 % de salariés les mieux payés (salaire de plus de 4500 euros bruts mensuels). Ces derniers (hormis pour les plus de 57 ans) se verront appliquer une dégressivité de 30 % au bout du 7e mois de chômage. L’allocation perçue ne pourra cependant pas être inférieure à 2261 euros net par mois.
Pour justifier cette mesure, le Ministère du Travail s’appuie sur une série de chiffres : plus le revenu de remplacement est élevé, plus la période de chômage serait longue. Sans dire que 76 % des allocataires touchant les indemnités maximales ont plus de 50 ans et que retrouver un emploi à cet âge est plus compliqué. La dégressivité avait été mis en œuvre entre 1992 et 1996 avec pour conséquence de « ralentir le retour à l’emploi » selon l’INSEE. C’est sans doute un premier pas : la dégressivité imposée à ces revenus sera ensuite généralisée à l’ensemble des chômeurs.
Bonus-malus. Seuls 7 secteurs (sur 38) seront concernés à compter du 1er janvier 2020. Le bâtiment et le médico-social seront exonérés de ce léger dispositif. Il ne concernera que les entreprises de plus de 11 salariéEs. La modulation des cotisations sera faible puisque ces dernières varieront entre 3 et 5 % (soit + 0,95 % au maximum pour les entreprises pénalisées). Ces variations seront calculées selon le nombre de salariés s’inscrivant à Pôle emploi ramené à l’effectif total d’une entreprise.
Avec cette mesure de majoration, le gouvernement n’a rien inventé puisqu’en 2014 les CDD avaient été soumis à ce genre de mesure. Pour quel résultat ? Les embauches en CDD – y compris ceux inférieurs à 1 mois – avaient continué à augmenter et les CDI étaient restés stables (sources Unedic).
De « nouveaux droits « sous conditions …
TouTEs les salariéEs ayant au moins cinq ans d’ancienneté dans leur entreprise pourront démissionner et prétendre à l’Assurance-chômage sous réserve d’avoir un projet professionnel. Ce droit sera renouvelable tous les cinq ans, « soit 8 fois dans une vie professionnelle de 40 ans ».
Quant aux indépendants, ils se verront allouer une allocation mensuelle de 800 euros pendant 6 mois. L’activité professionnelle devra avoir généré un revenu minimum de 10 000 euros par an sur les deux dernières années avant liquidation judiciaire. Ces « nouveaux droits » devraient concerner, selon l’UNEDIC, quelques 60 000 personnes tout au plus.
Baisse des droits, renforcement des contrôles !
Les effectifs des plateformes de contrôle de recherche d’emploi augmentent : 600 à ce jour, 1000 à terme. C’est l’autre face de la médaille de cette réforme : comme en Angleterre, « l’universalité » de l’assurance-chômage s’accompagnera d’un renforcement des contrôles des chômeurs.
Et pourtant cette réforme n’était pas nécessaire ! De l’aveu de l’Unedic même (dès mars 2019) un retour à l’équilibre rapide était prévu. C’est donc bien une décision idéologique permettant à l’État de remettre la main sur un pan entier de la protection sociale, en stigmatisant au passage les chômeurs qui « gagnent plus en restant à pôle emploi qu’en travaillant ».
Correspondant
- 1. Lire a ce sujet la note http://atterres.org/site…