Si l’on en croit les médias nationaux, la révolte des Bonnets rouges ne serait qu’une jacquerie dirigée par la FDSEA et le grand patronat contre l’écotaxe et les « charges patronales »…
Cette vision qui fait la part belle au libéralisme, au productivisme et à une opposition de droite au gouvernement oublie complaisamment que cette explosion de colère a son origine dans les milliers de licenciements qui ont frappé les ouvrières et ouvriers de l’agroalimentaire, ainsi que dans une volonté farouche de « décider, vivre et travailler en Bretagne ». En attestent toujours la lutte pour le maintien du site de Marine Harvest (multinationale de la transformation du saumon) ou celle des ouvriers de GAD qui, le 13 décembre, tentaient encore de bloquer le départ des machines de l’abattoir de Lampaul-Guimiliau.
C’est par milliers que ces travailleurs se sont retrouvés le 2 novembre à Quimper, puis le 30 du même mois à Carhaix, alors que les directions des principaux syndicats ouvriers leur tournaient le dos, considérant qu’ils n’étaient pas au bon endroit et auraient dû se retrouver derrière leurs bannières. Ces mêmes directions n’avaient pourtant rien entrepris pour faire converger leurs luttes et exiger du gouvernement et du grand patronat, responsables de ce massacre social, sinon une interdiction des licenciements, du moins la suspension des plans sociaux avec maintien de l’emploi et des salaires y compris pour les nombreux intérimaires.
C’est en partant de la volonté d’être partie prenante de l’immense mouvement de protestation des Bonnets rouges, mais sans cautionner les dérives portées par les productivistes de la FDSEA ou les capitalistes de l’agro, que s’est peu à peu, à force de travail, constitué le pôle ouvrier indépendant qui a défilé le 30 novembre à Carhaix.
Composé de syndiqués (FO et CGT principalement ) et de non syndiqués, salariés des usines frappés par les licenciements (Marine Harvest, GAD, Tilly Sabco), appuyé par le comité pour l’emploi de Carhaix et du nord Finistère, mais aussi par la CGT des Marins du grand Ouest et le SLB (Sindikad Labourerien Breizh, Syndicat des Travailleurs de Bretagne), ce pôle qui a reçu le soutien du NPA et de Breizhistance a montré la voie que l’ensemble du mouvement ouvrier et des syndicats auraient dû prendre. Son succès, alors même qu’il n’avait bénéficié d’aucun appel médiatique, montre que de très nombreux manifestants de ces dernières semaines sont disponibles pour un combat de classe en défense de leurs intérêts.
Les directions régionales CGT et CFDT, non contentes de vilipender les salariés qui se « fourvoyaient » dans le mouvement des Bonnets rouges, se sont hélas empressées de signer – tout comme la majorité PS /PCF du conseil régional – le pacte d’avenir gouvernemental, au nom du « dialogue social » qui commence, lui, par valider la vague de licenciements passés et en cours.
Parce que nombreuses sont les voix dans la CGT qui n’adhérent pas à la signature et à l’attitude de leur union régionale, parce que FO et Solidaires ont rejeté le pacte d’avenir avec des arguments semblables à ceux du pôle ouvrier, il doit être possible de poursuivre le travail de coordination entamé entre les équipes ouvrières de Marine Harvest, GAD et Tilly Sabco mais aussi Doux et Boutet Nicolas. Un rendez-vous est déjà pris pour défendre collectivement les manifestants de Tilly Sabco accusés d’avoir enfoncé les portes de la sous-préfecture de Morlaix.
Pour l’interdiction des licenciements et un autre modèle agricole et agroalimentaire, il s’agit maintenant de renouer avec toutes les équipes syndicales qui n’acceptent pas la fatalité des licenciements, afin de faire entendre de manière encore plus massive la résistance ouvrière qui s’est faite jour durant cet automne breton plein d’espoir.
Gérard Mas