Publié le Mercredi 9 mars 2016 à 16h00.

Intoxication et propagande réactionnaires...

Vendredi 4 mars au soir, la gendarmerie d’Annemasse est informée de la fugue de deux adolescentes de 15 et 16 ans. L’une aurait déjà été « suivie » pour « radicalisation » et avait été hospitalisée pour « dépression de l’adolescence ». L’autre jeune fille n’aurait fait que se laisser entraîner dans cette fuite présumée vers la Syrie. En effet, selon la gendarmerie, elles « étaient susceptibles de quitter le territoire national par tous les moyens et d’utiliser de fausses identités ». Ni une ni deux, une interdiction de sortie du territoire était prononcée.

Lundi, les deux jeunes filles sont rentrées à la maison. Qu’importe, tout le week-end, à tous les journaux télévisés, s’en est suivi le défilé des experts et psychologues : experts en jeunes, experts en djihadisme, experts en jeunes hyperconnectés et psychologiquement fragilisés... Et puis ceux en chiffres : 850 jeunes filles auraient été signalées pour radicalisation, 84 mineurs seraient en Syrie dont 53 adolescentes. Une autre « source officielle » lâche les chiffres d’un millier de Français en Syrie ou en Irak, dont près d’un tiers de femmes. 600 s’y trouveraient toujours et 161 au moins y seraient morts...

Il s’agit d’une véritable campagne d’intoxication commanditée par le ministère de l’Intérieur. Il s’agit là de justifier toutes les mesures mises en place pour « sauver » les jeunes du djihadisme et de valoriser la politique du gouvernement en la matière. L’éducation nationale devrait d’ailleurs être le vecteur essentiel de cette chasse aux terroristes potentiels, avec des dispositifs spécifiques comme Stop Djihadisme, ou l’impérieuse nécessité pour les enseignantEs de signaler directement à la justice les comportements déviants de certains enfants (un mot provocateur étant un élément suffisant...) ou enfin les 1 000 nouveaux emplois précaires pour former les enseignantEs au repérage des potentiels candidats à la guerre sainte.

Ainsi donc, le principal problème de la jeunesse aujourd’hui serait le danger qu’elle soit enrôlée par Daesh, ce qui permet de justifier tous les dispositifs liberticides mais aussi la propagande aux relents racistes qui visent les « musulmans d’apparence ». Ce gouvernement va-t-en guerre, qui poursuit la guerre sociale, la chasse aux migrantEs et n’a de cesse de diviser notre camp, ne peut imaginer d’autre réponse aux désarrois d’une large fraction de la jeunesse qui voit se profiler le chômage ou la précarité comme avenir. Mais la réponse des jeunes est en route, ainsi que leurs mobilisations...

Denis Sarraute