Le projet de loi sur l’asile et l’immigration sera présenté le 21 février en conseil des ministres. Mais on en connaît déjà la teneur : toujours plus de répression contre les demandeurEs d’asile.
Les mesures susceptibles d’améliorer les droits ou garantir une meilleure protection sont accessoires et concernent essentiellement les apatrides ou bénéficiaires de la protection subsidiaire qui se verront délivrer un titre de séjour de quatre ans dorénavant et pourront prétendre dans la foulée à une carte de résident, au lieu d’un titre d’un an, renouvelable pour deux ans comme c’est le cas actuellement. Cette mesure s’étend à leurs conjoints, partenaires ou concubins, et à leurs parents dans le cas des mineurs isolés célibataires. Probablement dans une volonté de désengorger les préfectures. La mesure concernant les familles ne tient pas compte que, dans les faits, il faut que cette dernière ait bénéficié d’un visa au titre de la réunification familiale, une procédure qui peut s’étaler sur des années.
Répression sous couvert de « raccourcissement des procédures »
Pour le reste, c’est le volet répressif que le gouvernement propose d’intensifier sous couvert de « raccourcir les procédures », notamment :
– la réduction du délai pour déposer une demande d’asile, qui passe de 120 à 90 jours, et à 60 jours en Guyane, passés lesquels le demandeur sera placé en procédure accélérée, avec une impossibilité dans les faits de faire valoir son droit effectif au recours ;
– la réduction du délai pour introduire un recours devant la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) qui passe de 30 à 15 jours, alors que le délai d’un mois en vigueur actuellement était déjà trop court ;
– les demandeurEs seront convoqués à l’entretien par « tout moyen garantissant la confidentialité » de même que la décision de l’OFPRA sera communiquée par « tout moyen garantissant la confidentialité », là où la lettre recommandée était en vigueur. Il est prévisible que, dans la précarité générale où vivent les demandeurEs d’asile, avec un accès réduit à internet, des changements de numéro de téléphone, les SMS, e-mails et autres « moyens », ils ratent leur entretien et/ou ne puissent pas exercer dans les délais impartis leur droit au recours.
– L’entretien se déroulera dans la langue déclarée dès le stade de la préfecture par le demandeurE, qui lui sera opposable pendant toute la procédure, ou toute autre langue dont le demandeur aurait « une connaissance suffisante ». Mais qui va apprécier, et selon quels critères, cette « connaissance suffisante » ? La complexité de l’exposé des motifs des demandes d’asile exige une connaissance subtile de la langue.
– Les décisions de rejet prises par la CNDA seront effectives dès leur lecture en audience publique, donc avant leur notification. Une mesure de renvoi pourra être prise plus rapidement, empêchant toute demande de titre dès lors que la personne sera déboutée.
– Dans trois cas : demandeur en provenance d’un pays d’origine sûr, ou présentant une menace grave pour l’ordre public, et réexamen, le recours devant la CNDA ne sera plus suspensif et une mesure de renvoi pourra être prise. Ce sera alors au Tribunal administratif (TA) de statuer. On imagine facilement que peu de demandeurs seront au fait de cette possibilité et encore moins en mesure de se défendre devant le TA.
– La circulaire du 12 décembre, signée par les ministères de l’Intérieur et de la Cohésion des territoires, remettant en cause l’accueil inconditionnel des personnes dans les centres d’hébergement d’urgence, revient sous forme de loi, puisque le projet prévoit que les services d’accueil communiqueront à l’Office la liste des personnes hébergées et le suivi des demandeurEs d’asile.
– Ce projet ne prévoit en outre rien sur le règlement de Dublin, alors que l’Assemblée nationale puis le Sénat viennent d’adopter une proposition de loi pour faire échec à un arrêt de la Cour de cassation du 27 septembre 2017, qui a jugé que la pratique qui consistait à placer en rétention des demandeurEs d’asile dublinés en attente de transfert était illégale.
Le raccourcissement de la durée des procédures d’asile n’est pas une revendication, elle est au contraire dommageable pour le demandeurE d’asile. La question majeure actuellement est de réduire le temps pour faire enregistrer sa demande en PADA, structure instaurée par la loi de 2015, une mission souvent quasi impossible, faisant vivre des dizaines de milliers de personnes dans la précarité ou à la merci d’un renvoi. Le projet de loi sur l’asile et l’immigration va encore aggraver les choses : une mobilisation pour son retrait s’impose.
Maria Puccini