La semaine passée, une note interne au commissariat du huppé 6e arrondissement de Paris demandait de « localiser les familles roms vivant dans la rue et de les évincer systématiquement »...
Indignation ici ou là. La préfecture confirme avoir donné des directives en ce sens mais regrette « une facilité de langage malheureuse ». Le nouveau ministre de l’Intérieur s’empresse d’indiquer que la consigne « a été rectifiée », sans autre précision. On pourrait donc en rester là, sauf à s’attarder sur ce que cette « affaire » met au grand jour. Stéphane Le Foll nous y aide. En réponse, le jour même sur RTL, à une question d’un auditeur dénonçant « les conditions épouvantables » dans lesquelles vivent « ces pauvres gens » et concluant : « qu’est-ce que le gouvernement compte faire pour arrêter l’invasion de ces camps de Roms qui sont de véritables bidonvilles ? », le porte-parole du gouvernement nous rassure en deux temps. Tout d’abord il constate : « je ne crois pas qu’il y a à dire ce matin qu’il y a une invasion et qu’il y aurait une augmentation de nombre de Roms qui arriveraient aujourd’hui ». Ensuite, il prône « un tout petit peu de rationalité » (!), soit : « Il faut chercher à les faire retourner d’où ils viennent, en Roumanie ou en Bulgarie et, deux, il faut éviter qu’il y en ait qui reviennent ou qui viennent. » Et de relever, au-delà de l’inévitable « fermeté», la nécessité de la « dimension humaine, parce que tout ça, c’est des êtres humains » (sic).
Le rejet comme politiqueAinsi est assumée la poursuite d’une politique d’ostracisme. On observera que lorsque la préfecture prétend se justifier par le souci d’éviter aux enfants de dormir dans la rue, elle fait preuve d’une formidable hypocrisie. Ces enfants ont pour une grande part été expulsés de camps démantelés autour de Paris, donc si la circulaire prévoyant un relogement était appliquée, le problème ne se poserait pas. Force est enfin de reconnaître que celles et ceux qui sont viséEs par cette politique le sont certes à partir d’un vieux fond raciste, nourri de multiples mythes, mais surtout dans le cadre d’une impitoyable guerre aux pauvres qui ne s’arrête pas aux « frontières » des beaux quartiers. N’oublions pas que l’absence de « ressources suffisantes » peut valoir une obligation à quitter le territoire (OQTF), même à un ressortissant de l’Union européenne. Il ne s’agit pas seulement d’éviter une « charge » pour l’assistance sociale : les capitalistes entretiendront toujours le fantasme des « classes dangereuses » !
François Brun