Publié le Jeudi 17 novembre 2016 à 08h02.

EPR de Flamanville : Travailleurs exploités, Bouygues épargnée

La semaine dernière avait lieu à Caen le procès en appel de plusieurs entreprises dont deux filiales de Bouygues Construction intervenant sur le chantier du réacteur nucléaire EPR de Flamanville.

 

C’est l’une des plus importantes affaires de travail illégal jamais jugée en France... Une plainte de la CGT a déclenché une enquête de l’inspection du travail de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) sur le chantier qui a révélé la situation de travail illégal de près de 500 ouvriers polonais et roumains. Ceux-ci n’avaient ni congés payés ni droit au chômage, et un salaire inférieur à la convention collective française. La rémunération des travailleurs polonais, par exemple, avoisinait les 950 euros pour 6 jours de travail par semaine !Dans cette affaire de travail illégal, Bouygues est coupable d’avoir sciemment eu recours, entre 2008 et 2012, aux services de l’agence d’intérim Atlanco et de l’entreprise roumaine de BTP Elco, elles-mêmes coupables de travail dissimulé.

Des condamnations insignifiantesEn première instance en 2015, Bouygues Travaux Publics n’avait été condamnée qu’à 25 000 euros d’amende, loin des 150 000 euros requis par le Procureur de Cherbourg. Surtout, Bouygues évitait l’amende de plus de 30 000 euros qui lui aurait interdit l’accès à des marchés publics. Le chantage à l’emploi de l’avocat de Bouygues, expliquant qu’une amende trop élevée entraînerait des licenciements, avait apparemment ému le juge...En appel, 50 000 euros d’amende ont été requis : une peine certes doublée mais qui reste bien en dessous du maximum pour ce type d’infraction (225 000 euros d’amende pour la personne morale, 45 000 euros et jusqu’à trois ans de prison pour la personne physique). Une plus grande sévérité donc mais toujours pas de prison requise et des peines d’amendes insignifiantes en comparaison aux profits engrangés par une entreprise comme Bouygues.

Les patrons fraudent et menacent de licencier, licencions les patrons !« C’est rien quand on sait que le groupe Bouygues fait 33 milliards de chiffre d’affaires, dont près du tiers pour Bouygues construction. L’État a perdu près de 22 millions d’euros avec cette fraude. Et quelles indemnités vont recevoir les salariés polonais ou roumains ? Une miette ! », regrettait Jean-Pascal François, secrétaire fédéral de la CGT construction. Les entreprises condamnées devaient verser, en moyenne, 1000 euros à chacune des parties civiles.De plus, l’Urssaf ne s’est même pas présentée pour réclamer l’indemnisation de son préjudice, le manque à gagner ayant pourtant été évalué entre 10 et 12 millions d’euros ! « L’Urssaf n’hésite pourtant pas à demander ses pertes sur d’autres fraudes impliquant des entreprises, mais elles n’ont ni la taille ni le poids de Bouygues », avait confié un avocat à Mediapart.Dans les médias, Hollande et Valls réaffirment de façon récurrente leur prétendue volonté de lutter contre la fraude en matière de détachement de travailleurs. Mais ce procès montre bien que les multinationales peuvent en réalité frauder librement et que la réponse de la justice n’est pas à la hauteur. Seule la nationalisation de ces grandes entreprises sans indemnités ni rachat et sous contrôle des travailleurs et de la population pourra mettre un terme à la fraude des grands patrons.

Comité inspection du travail Île-de-France