Publié le Vendredi 21 avril 2023 à 08h00.

L’eau, c’est la vie… et la crise de l’eau est extrême

C’est la première fois, en France, que le sujet de l’eau suscite autant de discussions. Depuis les mobilisations contre les mégabassines — et cela a pris une autre dimension avec Sainte-Soline — la lutte pour faire de l’or bleu un bien commun arrive à un niveau de popularité et de radicalité impressionnants.

C’est cette fois la conclusion de travaux d’un rapport1 commandé par 4 ministères (Écologie, Intérieur, Agriculture, Santé) au sujet de la gestion de l’eau. Celui-ci rappelle plusieurs éléments factuels : les pics de chaleur qui, d’une année sur l’autre, sont de plus en plus hauts et fréquents ; les canicules qui sont de plus en plus longues et à des moments correspondant à des périodes « tempérées » (printemps, automne) ; le manque de précipitations, et particulièrement le fait qu’il n’y a pas eu de pluie pendant plus d’un mois début 2023. Autant d’éléments qui montrent que le réchauffement climatique accélère et prend de la vitesse au fur et à mesure que les températures augmentent.

Les phénomènes de sécheresse — y compris hivernales — deviennent une « norme », et c’est désormais la question de l’accès à l’eau qui est posée y compris dans les hautes sphères de l’État. Aurons-nous toujours de l’eau au robinet cet été ?

Une fuite en avant productiviste

Lorsqu’il fait plus chaud, les gens consomment plus d’eau. Lorsqu’il y a des sécheresses, les champs (tels qu’ils sont cultivés aujourd’hui) demandent plus d’eau. Et ainsi de suite. Rien n’est fait pour gérer l’eau de façon raisonnée. Pire, alors que des habitantEs pourraient manquer d’eau à très court terme, les projets délirants se multiplient, comme le rappelle toujours le rapport, à l’image des Jeux olympiques ou de la Coupe du monde de rugby, qui vont amplifier la crise et possiblement nous rapprocher de la pénurie. Sur le sujet du nucléaire, alors que l’on connaît les niveaux des fleuves et rivières qui sont bas et vont être — en toute logique — au plus bas cet été, rien n’est acté non plus pour envisager une sortie la plus rapide possible. Les possibilités d’un accident se renforcent.

Les mégabassines symboles de l’autodestruction capitaliste

Les gouvernants savent très bien que les mégabassines sont écocides. Le CESE (Conseil économique, social et environnemental), dans un avis rendu le 11 avril dernier2, recommande d’interdire les subventions publiques à « tout projet de création de mégabassines, notamment celles alimentées par pompage dans la nappe phréatique ». Une carte3 du BRGM (Bureau des ressources géologiques et minières) montre que le niveau des nappes au 1er avril est effrayant : 2/3 du territoire voient leurs nappes à (au mieux) « un niveau modérément bas », et 1/3 ne parvient qu’à un « niveau autour de la moyenne ». Autrement dit, aucune nappe en France n’est à un niveau modérément haut, haut ou très haut. Pourtant, 93 mégabassines sont prévues dans les 4 départements du Poitou-Charentes. Et le tribunal administratif de Poitiers vient de rejeter la demande des anti­bassines de reconnaître ces projets comme anti-écologiques et donc illégaux (la cour de Bordeaux pourrait prendre une autre décision en appel). Ce choix concerne notamment la bassine de Sainte-Soline. Tout un symbole, ­éminemment politique.

Une autre politique est possible

Le ministre de l’Écologie, Christophe Béchu, a tout dit en expliquant que le réchauffement climatique « n’est pas un phénomène politique, mais naturel ». Il est climato-sceptique. Ou du moins préfère-t-il aller sur ce terrain-là plutôt que remettre en cause les politiques capitalistes et productivistes qui créent cette situation. Aussi, on sait déjà ce qu’ils vont nous pondre : des restrictions d’eau, une augmentation des prix, des fermetures de piscines publiques, des amendes, etc. Mais dans le même temps, les bassines se font, les JO se tiennent. Les gros continuent de gaspiller l’eau pendant que la population va crever de chaud, devoir se restreindre et peut-être manquer d’eau. 

Nous disons nous qu’il est possible de limiter au maximum le désastre en révolutionnant le modèle de production (agricole, industriel) en développant le bio, les petites parcelles, le maraîchage ; en rendant gratuite l’eau nécessaire à la vie et en taxant la surconsommation ; en rendant gratuites les piscines publiques et en interdisant les privées… L’eau doit être un bien commun. Dans un service public démocratique, les usages de l’eau doivent être discutés. Comme nous devrions pouvoir discuter et décider de ce que l’on produit, de comment on le produit, toutes et tous ensemble. Une société écosocialiste est possible. Ça passe aujourd’hui par une lutte sans concession avec l’ensemble des personnes qui relèvent la tête et se battent contre ce système injuste qui détruit nos vies et la planète. C’est une lutte politique. 

Contre les mégabassines, pour l’eau, nous reprendrons très vite le chemin de la mobilisation : seulement aujourd’hui nous pansons les plaies de la répression, dénonçons l’État policier et les logiques capitalistes, organisons la solidarité, notamment via des réunions « après Sainte-Soline », afin de prendre soin de nos camarades, et de repartir plus fortes et forts au combat. On ne lâche rien.

  • 1. Inspection générale de l’Environnement et du Développement durable. Retour d’expérience sur la gestion de l’eau lors de la sécheresse 2022. https://www.igedd.develo…
  • 2. Audrey Garric et Mathilde Gérard, « Sécheresse : un rapport interministériel appelle à un "changement radical" dans la gestion de l’eau », le Monde, 12 avril 2023. https://www.lemonde.fr/p…
  • 3. Nappes d’eau souterraine au 1er avril 2023 et risques de sécheresse estivale. https://www.brgm.fr/fr/a…