Difficile de trouver la moindre information dans les médias sur la COP15, la Conférence des États sur la biodiversité, qui s’est tenue du 7 au 19 décembre, à Montréal, hormis peut-être depuis sa clôture…
Il faut dire que cela avait mal commencé. Aucun chef d’État n’avait jugé utile de s’y déplacer, ce qui en dit long sur la crédibilité des intentions affichées. Il n’est donc pas étonnant que les discussions aient piétiné et achoppé sur le transfert de fonds du Nord vers le Sud. Il est vrai que les investissements militaires et le maintien des privilèges des classes dominantes sont pour les États les plus riches plus importants que la préservation de la biodiversité !
Aucun des 20 objectifs d’Aichi n’est atteint
Pourtant sur le site internet des Nations unies, on peut encore lire : « Les gouvernements se sont engagés à atteindre les 20 objectifs d’Aichi en matière de biodiversité d’ici 2020. Notamment à réduire de moitié la perte d’habitats naturels et à mettre en œuvre des plans de consommation et de production durables. »
Ce qui n’empêche évidemment pas les États d’ignorer leurs engagements. Aujourd’hui tout le monde (même ces États !) s’accorde à dire qu’aucun des 20 objectifs d’Aichi n’a été atteint à ce jour. Il s’agissait pour eux lors de la COP15 de gagner du temps, c’est-à-dire de nous en faire perdre face à l’urgence. L’ Union internationale de conservation de la nature (UICN) a rendu le 9 décembre une nouvelle actualisation de la liste rouge des espèces. Sans surprise, 2 000 nouvelles espèces viennent d’être classées comme menacées. Mais les États n’en tirent aucune conséquence.
Agir vraiment face à la 6e crise d’extinction majeure
Est-il encore possible de faire quelque chose ? À lire l’appel de scientifiques rendu public début décembre intitulé « La nature n’attendra pas 2030 », on pourrait se dire que ce déclin, devenu inéluctable, nous rapproche de la catastrophe. Pourtant, cette crainte ne repose sur rien de scientifique, et peut même pousser au découragement et à négliger les incertitudes sur les rythmes du déclin des espèces. Bien que la situation soit grave, elle ne justifie pas de situer dans les dix ans le « point de non-retour ». Car nous n’en savons rien ! Nous sommes sur la voie d’une 6e crise d’extinction majeure, mais elle n’est pas inéluctable. Cette approche a aussi le défaut de passer sous silence le fait qu’en matière de biodiversité, chaque fois que l’on agit vraiment, on est toujours surpris des extraordinaires capacités du vivant à se « réinventer ».
Que peuvent faire les États ? Les causes de l’effondrement de la biodiversité sont connues. Il est donc possible d’agir. Les deux voies majeures d’action sont bien identifiées.
Macron protège plus sa communication que la biodiversité
La première voie consiste à agir pour préserver les « réservoirs de biodiversité ». En France, ce sont les zones naturelles d’intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF) de type 1 qui doivent être immédiatement classées en Réserves naturelles nationales, le plus haut niveau de protection réglementaire, avec les moyens de suivi scientifique et de gestion adéquats. C’est totalement à notre portée !
Au lieu de cela, le gouvernement Macron a trouvé la parade : dénaturer la notion de « protection forte » en permettant, par un décret en 2022, de classer en protection forte n’importe quel espace, sans soumettre les territoires à la moindre contrainte ! Ainsi, on pourra afficher en 2030 (date butoir des engagements français) être passé de 1,6 % de zones en protection forte à 10 %, sans avoir rien fait ! Le gouvernement ne protège pas la biodiversité, mais sa communication !
L’industrie agroalimentaire bien défendue
La deuxième voie d’action consiste à protéger la biodiversité sur tout le territoire. L’agriculture intensive et chimique est la principale cause de l’effondrement des espèces. Un plan pour passer à 100 % de l’agriculture française en bio (interdiction de tous les pesticides) doit être mis en place dans les délais les plus courts possible. Si ce n’est pas fait, c’est parce que nos gouvernements défendent les intérêts des capitalistes de l’industrie agroalimentaire, contre les intérêts de la société.
Ces mesures seraient beaucoup plus efficaces que leurs systèmes de « compensation » des dégâts qui ne sont en fait que des justifications du droit à détruire avec une autre portée que des conférences pour ne rien faire.
Mais on est mauvaise langue ! La COP15 a pris une décision « historique » : celle de faire un jour une COP16 !