Publié le Vendredi 2 octobre 2015 à 18h16.

CGT : Quand Martinez fait Lepaon

Dans une interview au journal le Monde du 22 septembre, le secrétaire général de la CGT Philippe Martinez fait le point sur le syndicat en cette rentrée.

Droit du travail, statut des fonctionnaires, temps de travail, répression antisyndicale, les attaques sont multiples. Dans cette situation, certains attendaient un discours clair, préparant une contre­-offensive à la hauteur des attaques.

Dialogue social ? 

À la question : « Est-ce du temps perdu de rencontrer le président de la République, le Premier ministre ou le président du Medef ? », Martinez répond : « Ce n’est pas du tout inutile. Il ne faut pas les voir pour discuter entre gens de bonne compagnie mais pour leur remettre les pieds sur terre et leur parler de la vraie vie. Je veux bien aller visiter une entreprise avec le président de la République ou un ministre. » Le journaliste insiste : « Vous aimez l’entreprise... avec les salariés » et Martinez : « C’est ce que j’ai dit à Valls. Une entreprise n’est pas la propriété d’un seul. C’est une communauté de travail, il y a un patron et il y a des salariés. Il faut parler des deux et de façon équilibrée. »

Eh bien non ! Pour les militants syndicaux, Hollande, Gattaz et le patron de l’entreprise sont des adversaires de classe, dont nous ne souhaitons pas mettre les pieds sur terre, mais plutôt hors de l’entreprise, un lieu d’affrontement entre des intérêts opposés, ceux des patrons contre ceux des travailleurErs, et non une « communauté »...

Syndicalisme de classe ?

À la question, « vous récusez la ligne de partage entre syndicats réformistes et syndicats contestataires ? » Martinez répond : « Je préfère dire qu’on n’a pas la même conception du syndicalisme. Il y a des syndicats qui considèrent que le rapport de forces n’est plus d’actualité… Nous sommes pour des réformes – les 32 heures, c’en est une – à condition qu’elles ne signifient pas un recul des acquis sociaux. Le syndicalisme, par essence, est réformiste. Mais gouvernement et patronat ont dévoyé le mot réforme. »

Certes, l’activité quotidienne des militantEs syndicaux est faite de beaucoup de « réformisme », c’est-à-dire de défense pied-à-pied des revendications salariales, des conditions de travail, de l’emploi, de l’amélioration du sort des salariéEs. Mais cette défense doit se faire sans concessions au nom de l’intérêt de l’entreprise « communauté » ou au nom de la politique d’un gouvernement de « gauche » défendant les intérêts nationaux ou exigeant la paix sociale. Et surtout, nous nous battons avec l’objectif de renverser cette société capitaliste et son État, et la dictature des patrons sur notre travail et nos vies. Ce qui, en fait, était encore dans les statuts de la CGT jusqu’au 45e congrès de décembre 1995 où fut abandonné l’article 1er des Statuts confédéraux sur « l’appropriation par les travailleurs des moyens de production et d’échanges »...

Philippe Martinez a certes le droit de s’affirmer réformiste. Mais l’enjeu, notamment dans le cadre du 51e congrès, est de laisser toute leur place à celles et ceux qui continuent de s’en tenir à la « double besogne » définie par la Charte d’Amiens. Et en fin d’interview, Martinez déclare : « Si on nous invite à une conférence sociale pour casser le code du travail, on n’ira pas. » Chiche !

Robert Pelletier

Il n’existe à la CGT aucune opposition de principe face au patronat. L’entreprise est une communauté composée de dirigeants et de salariés – là encore, je regrette que les actionnaires fassent figures d’éternels absents – et ces deux populations doivent pouvoir réfléchir et agir ensemble dans l’intérêt de leur communauté. Sur ce plan il est évident que le pragmatisme syndical s’impose.

Thierry Lepaon, en février 2014 dans une interview au Nouvel Économiste