Entretien. Arnaud Moujol est délégué syndical central SUD à Vivarte. Il revient sur les annonces faites ces derniers jours par la direction du groupe d’habillement et de chaussures, et la riposte à construire.
Peux-tu revenir sur les principales annonces et décisions qui confirme le démantèlement du groupe Vivarte ?
Les premières annonces du démantèlement du groupe ont été faites par Stéphane Macquaires, le précédent PDG du groupe avec l’annonce de la mise en vente de la CVC, la dernière usine de chaussures que le groupe détenait, ainsi que la mise en vente de Kookaï, Chevignon, Pataugas, Défi Mode et la filiale espagnole Merkal.
Cela fait déjà un certain temps que le démantèlement avait débuté puisque des petites filiales comme Accessoires diffusion avaient été soit vendues soit fermées... La plupart du temps sans que cela fasse de vagues car peu de salariés. Les plans sociaux ont également accéléré le démantèlement tels ceux qui ont eu lieu l’année dernière chez André, Kookaï et La Halle, avec pour cette dernière la fermeture de plus de 240 points de vente et la suppression de 1 700 postes environ.
Cette liste s’est rallongée avec l’annonce de la mise en vente d’André et Naf Naf par Patrick Puy au dernier comité de groupe et la fermeture de 183 magasins La Halle aux Chaussures, ce qui représente 656 suppressions de postes sur les magasins et 79 au siège. À cela, il faut ajouter le projet de restructuration sur la logistique qui prévoit 18 suppressions de postes, ce qui va avoir un impact plus important, car sur cet établissement, il y a trois équipes sur postes. Au global, ce sont 753 postes de salariés en CDI qui vont être supprimés. Aujourd’hui, nous ne connaissons pas le nombre de CDD concernés.
Ce qui attise notre colère, c’est de savoir que 70 % du montant des ventes ne remonte pas au groupe mais aux prêteurs. Il n’y a que 30 % qui « bénéficie » au groupe.
Comment expliques-tu un tel gâchis ?
Nous en sommes arrivés là, notamment suite à des revirements de stratégies commerciales et à la croissance organique censée booster les chiffres d’affaires au détriment de la rentabilité. Cette politique de développement a été guidé par les montages financiers LBO.
Ces montages financiers ont été mis en place dès le début des années 2000 par Georges Plassat. Le bouclage du premier LBO a pris fin en 2007. Le groupe a alors été revendu pour un montant d’environ 2,7 milliards d’euros, montant surévalué. Et si l’on prend en compte ce que cela a rapporté au staff dirigeant et les actionnaires (pour Plassat, cela représentait environ 90 millions d’euros). C’est ce qui a conduit à la mise en place d’un nouveau LBO en 2007 un an avant le début de la crise.
Tu mets en cause le LBO. Peux-tu revenir sur cette procédure et votre critique ?
Ces montages financiers LBO, achat par endettement, sont guidés par un système pervers, En effet c’est l’entreprise qui est achetée qui paie les échéances de remboursements au préteur, avec les résultats qu’elle produit. Ceci a pour conséquence, dans bon nombre de cas et notamment pour Vivarte, de réduire considérablement les investissements pour le développement et/ou la rénovation de l’entreprise. C’est comme si nous achetions une maison et que le locataire rembourse les prêts et réalise l’entretien de celle-ci... pour à la fin du bail se retrouver à chercher une nouvelle location !
Ces montages ne sont que de la spéculation financière. L’écrasement d’une partie de la dette n’a pas eu pour effet de redresser le groupe, car les 500 millions d’euros ont été prêtés d’après ce que nous savons, à un taux qui avoisine les 12 %. La dette que tout le monde évoque actuellement est d’environ 1,3 milliard d’euros sur le marché de Londres. Elle ne vaut en réalité que 15 % de sa valeur initiale.
Quelles ripostes et mobilisations sont d’ores et déjà prévues ?
Aujourd’hui, nous sommes en réflexion sur les actions à mener. Nous devons nous rencontrer avec les autres syndicats cette semaine pour les définir. Nous cherchons d’ores et déjà à mobiliser les salariés pour un rassemblement de contestation. Vu l’éclatement des sites sur le territoire, c’est compliqué de mettre en œuvre un mouvement de grève, mais nous n’écartons pas cette possibilité. Et bien entendu, nous continuerons à maintenir la pression sur les dirigeants et les actionnaires. Ce sont des personnes qui ont horreur que l’on parle d’eux...
Ce que les salariés n’ont pas encore appréhendé, c’est que la mise en œuvre d’un plan social n’est pas uniquement pour le personnel des 183 magasins, mais que c’est bien l’ensemble des personnels des magasins qui vont entrer dans ce PSE.
Propos recueillis par Robert Pelletier