Depuis quelques jours, beaucoup se réjouissent de l’introduction de la notion de non-consentement dans la loi concernant les violences sexuelles.
Si cette annonce constitue une bonne nouvelle pour de nombreuses femmes et pour des féministes, c’est qu’à l’heure actuelle la majorité des victimes ne sont pas reconnues comme telles par la justice. En cause : la difficulté à faire valoir l’usage de la force, de la surprise, de la menace ou de la contrainte lors des faits. Mais cette notion peine à rendre compte de la réalité des violences sexuelles.
Un constat commun : le système ne fonctionne pas pour les victimes
Avec le mouvement #MeToo, les victimes de violences sexuelles ont pris la parole et dénoncé le système patriarcal qui les autorise, les encourage et surtout ne les prend pas en charge. En a découlé une discussion centrée autour de la question du consentement. L’idée de l’introduire dans la loi fait alors son chemin, d’autant qu’elle repose sur une réalité : l’énorme majorité des femmes qui portent plainte pour agression sexuelle ou viol ne sont jamais reconnues comme victimes, la plupart des plaintes étant classées sans suite et, pour les rares où il y a procès, les auteurs bénéficient de non-lieu. Au bout de la chaîne, seuls 0,6 % des viols ou tentatives de viol auraient donné lieu à une condamnation en 2020.
Une partie des avocatEs et des juges mettent alors en avant le fait que la loi serait « mal faite ». En somme, ils expliquent qu’ils n’arrivent pas à établir les faits de viol, au motif qu’ils ne parviennent pas à démontrer l’usage de la force, la surprise, la menace ou la contrainte. Il s’agirait alors de changer la loi pour prendre en compte notamment les situations d’emprise, la soumission chimique, l’abus de vulnérabilité…
Le consentement, une recette miracle sans moyens supplémentaires ?
Mais sur ces points, force est de constater que la notion de consentement n’est pas le meilleur guide pour appréhender les faits. La notion de consentement se centre sur les victimes — un angle dangereux, dans les situations d’emprise, de coercition, de vulnérabilité. Vanessa Springora, autrice du Consentement, dans lequel elle retrace les violences que Gabriel Matzneff lui a fait subir, décrit elle-même assez bien cette difficulté : « J’ai mis beaucoup de temps à me considérer comme une victime car justement j’avais été consentante. Mais j’étais tout de même en dessous de la majorité sexuelle. J’aurais donc pu aller en justice, sauf qu’à chaque fois je me disais : “J’étais consentante”. »
Un des risques serait donc de déplacer la charge de la preuve sur la victime et non pas sur l’agresseur. De plus, certaines organisations féministes estiment que redéfinir le crime de viol comme un « acte sexuel non consenti » tend à le replacer dans le champ de la sexualité, alors que c’est un acte de violence et de domination.
Par ailleurs, la notion de consentement n’est pas la seule qui pose problème dans la prise en charge des violences sexuelles. Dans l’affaire des nourrissons agressés sexuellement à Montreuil, 19 familles se sont vues refuser le droit de se porter partie civile et n’ont, pour la plupart, même pas été interrogées par la police. Dans l’affaire de Mazan, plusieurs dizaines d’hommes n’ont pas été identifiés et n’ont donc pas été poursuivis… Il y a bien plus que la question du consentement et donc de la définition juridique des violences sexuelles : dans ces deux affaires, il n’est même plus question de remettre en cause le consentement des victimes. Il s’agit alors d’une difficulté à mener une enquête jusqu’au bout, à chercher tous les éléments de preuve, à prendre en compte la parole des victimes et de leurs famille.
Combattre la culture du viol
La culture du viol, présente dans toute la société et y compris chez les acteurs judiciaires, pèse lourdement sur les victimes, de même que le manque de moyens pour les accompagner et mener les procédures.
L’avenir nous montrera, de façon très retardée, les effets de cette loi (seuls les faits se produisant après octobre 2025 seront concernés). Mais il y a fort à parier que cette loi aura ses limites, d’abord sur le nombre de faits commis. Or notre objectif prioritaire sera toujours qu’il y ait moins de violences commises.
La commission d’intervention féministe