La parole se libère sur les violences sexistes et sexuelles dans la santé, et en particulier au sein de l’hôpital, au point que Frédéric Valletoux, ministre déléguée à la Prévention et à la Santé, a décidé de prendre des mesures. La mobilisation de toutes et tous est nécessaire.
« Écarte tes jambes ! » C’est par ces mots qu’un collègue s’adressa à moi pour la première fois alors que je venais de prendre un poste de nuit en réanimation. S’en sont suivis plusieurs mois de demandes incessantes à coucher ensemble (« rien qu’une fois s’il te plait ! »), de câlins forcés, de remarques inappropriées sur mon corps. Jusqu’à mon changement de service, je redoutais ces nuits.
Le MeToo Hôpital, enfin !
Cette histoire, c’est une histoire banale. Nous sommes tellement nombreuses à l’avoir vécu tellement de fois, qu’on finit par penser que cela fait partie de notre environnement « normal » de travail. Prendre les tensions, faire la commande de médicaments, dire non à Pierre qui nous invite à sortir avec lui, donner les traitements, refaire les lits, éviter Jean qui fait une remarque graveleuse, vérifier le chariot d’urgence, faire les transmissions, prévenir l’intérimaire à propos du médecin de garde…
Mais depuis la prise de parole de Karine Lacombe concernant des faits de harcèlement sexuel et moral de Patrick Pelloux, la parole se libère chez les soignantes qui témoignent des situations anormales qu’elles rencontrent chaque jour en allant travailler. Ainsi, la parole sort enfin des salles de pause et des vestiaires pour exister publiquement et peut-être faire changer les choses ?
La continuité des soins et du sexisme
Car les VSS à l’hôpital ne sont finalement que la continuité d’un système profondément sexiste qui violente à la fois les soignantes et les patientes. Il y a une continuité entre les fresques sexistes des internes, le harcèlement sexuel des jeunes médecins, infirmières, aides-soignantes, les violences obstétricales et gynécologiques et les mauvaises prises en charge des femmes et des personnes racisées. Il faut comprendre que ce sont les mêmes qui soignent et qui sont violents. Il faut comprendre qu’ils sont violents précisément parce qu’ils se sentent dans une situation de toute-puissance lorsqu’ils soignent, dans un domaine où déshumaniser les patientes est quasiment un sport olympique.
Il s’agit de faire perdurer un système maltraitant, patriarcal, LGBTIphobe et raciste, tout en se cachant derrière l’image de « bienveillance » que le domaine du travail dans la santé véhicule. Ainsi, les professionnels de santé doivent entrer très tôt dans ce système. Dès leur entrée à l’école, le bizutage a pour fonction de les faire entrer dans le rang, puis, durant leurs stages ou leurs années d’internat, ils sont progressivement formés à faire « comme les autres » et à la « loi du silence », hors de question alors de dénoncer les violences ou les maltraitances. Le manque de moyens vient encore renforcer cette tendance en pressurisant les travailleuses, en les précarisant et en ne les formant pas sur les questions d’accessibilité, des violences, de droit etc.
Il est tant d’exiger que les choses changent dans la santé ! Pour cela il faut continuer et renforcer le lien entre les associations de patientes et les organisations des soignantes car nous avons un intérêt commun à une transformation complète du système de santé. À la fois en termes de moyens directs pour améliorer l’accueil du public et les prises en charge mais aussi pour que les violences s’arrêtent autant sur les patientes que sur les soignantes et pour créer une véritable culture de la bientraitance, de la recherche du consentement, de l’écoute, en somme du soin.
Aurélie-Anne