La crise économique actuelle ne voit pas un retour du protectionnisme entre les puissances économiques. Si les négociations commerciales multilatérales dans le cadre de l’OMC n’avancent guère, les négociations commerciales bilatérales se multiplient. Le projet d’Accord transatlantique entre les États-Unis et l’Union européenne (UE) serait le traité commercial le plus important jamais conclu.
Les deux protagonistes représentent la moitié du PIB mondial et le tiers des échanges commerciaux. Gouvernements et entreprises négocient en ce moment cet accord pour se débarrasser de lois et règlements aux dépens des acquis sociaux et de l’environnement.
Des enjeux considérablesIls concernent d’abord l’agriculture : les droits de douane moyens sont de 7 % côté États-Unis et de 13 % côté UE. Face à l’arrivée massive de nouveaux produits agricoles américains, l’agriculture européenne s’orienterait encore plus vers le modèle agro-exportateur. De plus, des normes (pesticides, OGM, bœuf aux hormones, poulet au chlore...) pourraient être condamnées comme « barrières commerciales illégales ». Par exemple, les lobbies agro-industriels font pression pour que la liste des 52 variétés d’OGM déjà autorisées soit élargie.Quant aux services financiers, avec leur libéralisation complète, il serait impossible de renforcer le contrôle des banques, de taxer les transactions financières, de mettre au pas les paradis fiscaux ou les fonds spéculatifs. En matière de technologies de l’information et de la communication : les droits de propriété intellectuelle (protection des brevets) seront renforcés et les données personnelles risquent de faire encore plus l’objet d’un espionnage légal et lucratif. Pour les services publics, l’Accord réduirait les principes d’accès universel et large au bénéfice d’une privatisation générale. Distribution d’eau et d’électricité, éducation, santé, recherche, transports, aide aux personnes pourraient ainsi être ouverts à la concurrence.
Contre cette arme atomique, mobilisation !Pour imposer ses règles, l’Accord transatlantique prévoit, comme d’autres accords déjà imposés par les États-Unis, et même l’accord UE-Canada pas encore ratifié, un tribunal dit « de règlement des différends » entre acteurs économiques privés et gouvernements. Des entreprises pourraient ainsi porter plainte auprès de ce tribunal contre un État qui aurait fait évoluer sa législation, réduisant certains avantages concédés aux investisseurs. Exemple théorique : un géant de l’énergie pourrait contester un moratoire sur l’extraction de gaz de schiste. Certains eurodéputés avaient déposé en mai un amendement proposant de « ne pas prévoir de mécanisme de règlement des litiges entre État et investisseur ». Il a été rejeté ! Cette arme atomique figurait déjà dans le projet d’accord multilatéral sur l’investissement (AMI) négocié secrètement entre 1995 et 1997 par les États membres de l’OCDE, projet qui avait capoté face aux mobilisations. Comme précédemment, pour l’Accord multilatéral pour l’investissement (AMI), puis l’Accord commercial anti-contrefaçon (ACTA), seule la mobilisation pourra faire capoter ce projet.
J.R.Pour aller plus loin, un guide d’ATTAC : http ://www.france.attac.org/articles/guide-de-navigation-pour-affronter-le-grand-marche-transatlantique