Publié le Dimanche 20 avril 2014 à 09h05.

Allemagne : quelle alternative à la « Grande coalition » ?

Sous la chancelière Angela Merkel, la « Grande coalition » – chrétiens-conservateurs de la CDU/CSU et SPD social-démocrate – gouverne en continuité avec l’ancien gouvernement de la CDU/CSU et du FDP libéral...

Avec le FDP et L’AdF (populiste de droite) échouant de justesse à la barrière des 5 % aux dernières élections fédérales, à quoi s’ajoutent les scores des petits partis à faible base électorale, presque 15 % des voix ne sont pas représentées au Bundestag, le parlement fédéral. L’orientation politique générale, par ailleurs partagée aussi par les Verts, se traduisait déjà dans une grande coalition de fait avant l’arrivée au pouvoir de cette « Grande coalition » : le frein à l’endettement devenu constitutionnel ; la discipline de fer pour les budgets publics ; les cadeaux aux banques, aux grands trusts et aux riches ; la politique des « mémorandums » octroyée aux populations des pays économiquement les plus faibles de l’Union européenne, pays appauvris systématiquement par une politique d’austérité brutale comme en Grèce ; une politique recherchant à éviter le conflit direct avec les directions syndicales.

Divisions socialesC’est la division sociale profonde et la prospérité relative du capitalisme allemand qui, jusqu’à nouvel ordre, a permis d’éviter des mobilisations de masse contre cette politique néolibérale. Pourtant, un enfant sur sept vit en Allemagne sous le seuil de la pauvreté. Un grand nombre de salariéEs sont en situation précaire. Un grand nombre de pensionnéEs, surtout des femmes, ne peuvent pas vivre de leurs pensions.Mais une grande partie du salariat, à la remorque des performances exportatrices de l’économie allemande, se sent plutôt du côté des gagnants, en comparaison de tant d’autres au sein de l’UE, et reste donc passif. C’est seulement par branches qu’il y a des luttes, plus ou moins routinières, comme actuellement celle du syndicat des services Ver­.di qui fait des grèves d’avertissement pour obtenir 100 euros pour toutes et tous et une augmentation salariale de 3,5 %.

Promesses électoralesMais qu’en est-il des promesses électorales du SPD, intégrées en partie dans les accords gouvernementaux de la « Grande coalition » ? Il s’agit de concessions sociales très limitées qui profitent à certaines parties du salariat. Prenons l’exemple du « salaire minimum » de 8,50 euros qui vient d’être concrétisé par le gouvernement. Tout d’abord, ces 8,50 euros sont loin de prévenir les salariéEs concernés de la pauvreté. Deuxièmement, ce salaire minimum ne viendra qu’en 2017, à peu près 4 millions  de personnes pourront alors en profiter, mais ces 8,50 euros n’auront plus la même valeur qu’aujourd’hui en matière de pouvoir d’achat. Enfin, il y a beaucoup « d’exceptions » : les sans-emploi de longue durée qui pourront être payés moins les premiers six mois de leur premier emploi (quitte à se faire licencier avant), les jeunes de moins de 18 ans sans formation professionnelle, une partie des stagiaires...

Die Linke en perte de radicalitéEn matière de politique extérieure, l’Allemagne se profile de plus en plus comme un acteur y compris militaire au sein des alliances de l’Ouest. Seul le parti Die Linke (La gauche) – maintenant premier parti d’opposition au Bundestag avec un peu plus de députés que les Verts – se prononce contre la participation de la Bundeswehr aux interventions guerrières et contre la politique au service du grand capital.Mais à l’occasion de son congrès de préparation des élections européennes, Die Linke a « expurgé » de son programme électoral la caractérisation de l’UE comme « néolibérale, militariste et largement non-démocratique ». Très clairement, la direction et la majorité du congrès voulaient signaler au SPD et aux Verts qu’ils sont suffisamment « responsables » pour pouvoir s’imposer comme partenaire junior d’une coalition du SPD et des Verts au niveau fédéral (ils gouvernent déjà ensemble au niveau régional dans le Brandenburg). En pleine négociation pour la « Grande coalition » avec la CDU/CSU, la direction du SPD avait signalé qu’elle n’exclurait plus une telle possibilité, si Die Linke était prêt à accepter les « nécessités » de la politique internationale…

De Berlin, Manuel Kellner (ISL, Gauche socialiste internationale)