Samedi 1er février ont eu lieu dans toute l’Argentine d’immenses manifestations en réponse au discours tenu par Milei au forum de Davos la semaine précédente.
Par un discours d’une demi-heure devant le gratin du monde capitaliste, Milei, dans un mimétisme significatif avec Trump, a déroulé le catalogue de ses haines : les féministes, le « wokisme », les couples homosexuels (qu’il accuse de pédophilie), le progressisme, la gauche et les « gauchistes » (qu’il faut « faire déguerpir »…).
Des centaines de milliers de personnes dans tout le pays se sont dressées non seulement contre Milei et son idéologie, mais pour affirmer leur volonté de lutter pour tous les droits démocratiques et sociaux et faire barrage à la vague fascisante qui déferle dans le monde.
Collectifs féministes et LGBT
C’est derrière la banderole de tête « Fierté antifasciste et antiraciste » que des centaines de milliers de personnes ont manifesté à Buenos Aires. Convoquées dans la semaine par des assemblées dans les universités (celle de Buenos Aires avait rassemblé 5 000 personnes) d’abord à l’initiative de collectifs féministes et LGBT, puis à l’appel de très nombreux collectifs et organisations sociales, culturelles ou politiques. Et cela s’est répété dans plus de 120 villes et localités d’Argentine.
Milei, qui peut encore profiter d’une stabilisation politique et macro-économique qui lui est globalement favorable, a rallumé le feu qui couve dans toutes les couches de la population depuis son arrivée au pouvoir.
La grande majorité de la population souffre d’une lourde détérioration de ses conditions de vie : inflation, toujours forte, même si elle est en recul ; licenciements ; détérioration des services publics. Mais à part deux journées de mobilisation syndicale en janvier 2024 et lors du 1er Mai et de nombreuses luttes locales, la dimension économique n’a pas été la dominante des réactions populaires à la politique de Milei. C’est surtout sur des thèmes de société, la mémoire de la dictature ou la défense de l’université qu’ont eu lieu les plus grandes manifestations de l’an passé.
Vague de fond pour la démocratie
Cette fois c’est clairement une opposition frontale à l’idéologie d’extrême droite qui s’est massivement exprimée. Toutes les catégories de la population (même si majoritairement des classes moyennes), toutes les oppositions et tous les combats contre Milei étaient présents. Les jeunes, les femmes et les communautés LGBT en tête. Mais tous uniEs par une volonté politique commune de défense de la démocratie sous tous ses aspects.
Face à cette vague de fond, Milei a, pour la première fois, fait un peu marche arrière. Affirmant qu’on avait déformé ses propos et déclarant « respecter les homosexuels » et laissant entendre que, contrairement aux déclarations de son ministre de la Justice, il renoncerait à abroger une loi qui réprime fortement les féminicides.
L’avenir du mouvement va dépendre de sa capacité à s’inscrire dans la durée. En l’absence de représentation politique qui puisse l’incarner, il peut compter sur la répétition des assemblées locales et dans les universités et la préparation des prochaines échéances de mobilisation dans la rue, le 8 mars pour la Journée internationale des droits des femmes et le 23 mars, jour de mémoire contre la dictature.
Fabrice Thomas, le 6 février 2025